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25 meilleures années versus 6 derniers mois : la vérité.

Ces deux chiffres sont les bases de calcul de la retraite pour les salariés et pour les fonctionnaires et régimes spéciaux. Si le second passe pour plus favorable dans tous les rapports, pourquoi cette « petite inégalité » n’a jamais fait l’objet d’une convergence pourtant naturelle dans toutes les réformettes successives ? Tout simplement parce que derrière cette disposition paraissant anodine, la pratique cache tout autre chose. On ne vous dit pas tout !  La connivence syndico-politique est énorme car tous les décideurs la connaissent et en profitent, sinon il y a bien longtemps que cette inégalité aurait été corrigée.

Indice numéro 1 : en 2010, monsieur Le Duigou, qui a fait toute sa carrière à la CGT comme cadre et responsable des retraites, faisant la pluie et le beau temps sur les réformes a pris sa retraite. Comme il a débuté aux impôts, pour les 6 derniers mois, il se fait nommer conservateur des hypothèques du 91, un des postes les mieux rémunérés de la fonction publique. Sa retraite est donc calculée sur ces 6 derniers mois. Conclusion : dans la fonction publique, votre retraite peut n’avoir aucun rapport avec le poste que vous avez occupé ou le salaire perçu pendant toute votre activité. J’ai vérifié cette info, par contre ce que je n’ai pu vérifier est ce que j’ai lu dans la presse à l’époque : trop occupé par son travail à la CGT ( = occupé à bloquer toute réforme visant les privilèges), il aurait été dispensé de prendre ses fonctions. Notons au passage que si je suis interdit d’indemnisations en tant que Président de caisse de retraite au prétexte que je suis retraité, ce retraité lui est passé ensuite au COR et est maintenant au Conseil d’Etat, certainement pas sans émoluments.

Indice numéro 2 : le cas Le Duigou n’est pas un traitement de faveur, mais une pratique courante bien organisée. J’ai le cas d’un autre conservateur dans la famille d’un de mes administrateur, à qui on a demandé avant sa prise de fonction de signer une lettre de démission antidatée de deux ans ! Il faut que ces postes et ces pratiques puissent bénéficier au maximum de personnes. Ainsi le poste le plus élevé dans la hiérarchie sert comme base de retraite non pour une personne qui y aura fait carrière, mais pour 15 à 20 personnes. Depuis on me cite nombre d’exemples de démissions obligatoires pour faire tourner des hauts postes.

Indice numéro 3 : vous comprendrez mieux pourquoi tant d’échelons, tant d’indices dans la fonction publique, et pourquoi les syndicats sont opposés à la promotion au mérite et à la compétence, au profit de l’ancienneté. Ainsi dans un bureau où vous avez 20 personnes avec un chef, tout le monde devient ainsi chef un jour, pas parce qu’il est le meilleur mais le plus ancien. Tout le monde l’accepte et ne jalouse pas celui qui a été nommé, car »c’est pour lui faire plaisir et pas grave, dans 6 mois ou 1 an il part à la retraite ». Ce poste est réservé non au plus compétent mais au plus ancien, tout le monde ou presque espérant bien en profiter un jour, c’est une règle bien protégée.

Au total si un salarié approche progressivement les 50% de taux de remplacement sur le salaire moyen, le fonctionnaire ou le régime spécial pour qui on affiche 75% de son dernier salaire, peut en réalité toucher 100% de son salaire moyen de carrière, correspondant à son vrai poste. Quand on sait qu’en plus le salarié par son travail finance 100% de sa retraite, le fonctionnaire lui n’en paye que 18%, chiffre pouvant tomber en dessous de 10% pour certains régimes spéciaux. Le reste est payé par le contribuable ou l’usager qui in fine paye deux cotisations retraite : une pour lui, une pour un privilégié.

Ah j’oubliais aussi pour ceux qui ne peuvent pas porter la casquette de chef, il y a le « coup du chapeau », dispositif permettant selon la Cour des Comptes d’obtenir une pension pouvant atteindre 100% du dernier vrai salaire. Faute de pouvoir changer de poste, c’est l’indice qui bondit juste avant la retraite. La Cour dénonce une pratique devenue un usage quasi automatique dans les ministères (jusqu’à un fonctionnaire sur deux) et 39% des effectifs à la poste. Même au sommet de la hiérarchie on peut jouer du chapeau. Ainsi à l’éducation nationale existe un grade dit de « débouché » permettant en fin de carrière de passer d’un indice classique à un indice « hors classe » pour les professeurs (j’en ai un dans la famille, sa veuve qui ne touche que 50% touche plus que ma retraite de chirurgien…). S’opposant à un projet de loi pour mettre fin à ces chapeaux et passer aux 3 meilleures années (réforme de 2003), les administrations avaient répondu que c’était impossible car elles ne conservaient pas les relevés de carrière des fonctionnaires ! Les administrations publiques ne respectent pas les lois qui l’impose pourtant (Loi Le Pors du 13 juillet 1983).

Comme le disait Coluche, il y a des français qui sont plus égaux que d’autres. Ces pratiques, couvertes par nos dirigeants, sont une insulte à notre devise nationale. A quand une nouvelle nuit du 4 août à l’Assemblée ?

Gérard Maudrux

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16 commentaires

  1. des cas particuliers ne démontrent pas la généralité j ai travaillé mes 15 dernières années comme fonctionnaire les pires années de ma vie jalousie de tous les réactionnaires j espère que ma pension sera recalculée comme celles des sénateurs

  2. A quand l’abolition de tels privilèges ?
    Qui alignera le système de retraites du secteur privé avec celui du public ?
    On peut toujours rêver !

    • Quand nos élus cesseront d’être lâches face à une minorité au détriment de ceux qu’ils prétendent défendre. Je pense l’avoir montré, les solutions pour passer de l’inique à l’unique ne sont pas si compliquées, seule manque la volonté ou le courage politique. Et la solution n’est pas dans le conflit avec les privilégiés, mais dans la pédagogie. Si les idées sont bonnes elles peuvent, elles doivent convaincre

    • Il y a quelques années une association de gastro m’avait demandé de traiter du sujet des mutuelles, pour connaître quelques vérités. J’avais commencé mon diaporama avec une photo de tombe avec René Lucet inscrit dessus, et diapo suivante mon nom sur la tombe, en leur disant que j’espérais que leur invitation ne conduirait pas à ce résultat…

  3. Il se trouve que je connais ce probleme etant abonné depuis longtemps à “sauvegarde retraites” que Dr Maudrux doit connaitre.Il serait bon qu’il communique son article à cette association
    Je connais aussi ce probleme et je me souviens à Voiron d’un percepteur qui avait été nommé pour les derniers 6 mois de son activité à Albertville!!!comme c’est bizarre!!!

  4. Ce qui est très fort c’est que ces exploiteurs-parasites se présentent comme des victimes et qu’ils parviennent à se dissimuler et à être plaints par une majorité.

    • Leur première justification est que ce mode de calcul plus favorable (en occultant le fait que cela permet de manipuler comme je l’ai décrit) est la compensation de la non incorporation des primes dans la base de calcul. Il est vrai que ne pas incorporer ces centaines de primes qui relèvent d’un folklore honteux comme la prime d’escarbilles à la SNCF voire la prime pour absence de prime, est un scandale à leurs yeux, un retour à la normale pour nous.

      • Il n’y a aucune justification du fait de la non-intégration des primes dans le calcul de leur retraite. Ils ne cotisent pas pour la retraite sur leurs primes, ils ne peuvent donc pas prétendre à une compensation. S’ils veulent avoir une retraite sur leurs primes ils n’ont qu’à cotiser à la Préfon qui existe depuis plus de 40 ans sauf erreur.

  5. Voilà une belle façon d’aliéner les “petits” dans cette société ou sans vergogne les “gros ” arrivent toujours à s’en sortir malgré tous les effets de “transparence” en fait poudre aux yeux pour masquer le champ de la vérité. Est-ce que denoncer et médiatiser servira à quelque chose dans ce cercle de privilégiés qui se tiennent les uns les autres et prétendent nous inculquer à être vertueux (et non pas la virtuosité comme j’allais l’écrire je ne sais si vertuosite existe?)

    • Y’en a qui bossent 8 heures par jour et d’autres qui auront qu’à se baisser pour les ramasser puisque les mecs qui bossent sont assez cons pour se laisser faire. Coluche.

  6. C est pareil dans l armée: quelques mois avant la retraite, les promotions et montées en grade pleuvent comme la mitraille à Gernica , y compris les généraux qui, mêmd à 90 ans continuent de toucher l intégralité de leur grassouillé dernier salaire

    • Pour ces derniers, la réversion est aussi de 100% contre 50% pour les autres. Mais cerise sur le gâteau, pas pour tous. Là aussi il y a général et général, pas tous égaux.