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La folle administration française

L’histoire invraisemblable de ce restaurateur taxé de 14 000 euros qui a fait le tour du net n’est malheureusement pas la seule, c’est une constante de notre administration qui fait des lois en complète ignorance de la vie des entreprises et des réalités économiques, et qui les applique de manière absurde, pour ne pas dire bête et méchante. Histoire invraisemblable mais vraie, petite énantiosémie ( https://fr.wiktionary.org/wiki/énantiosémie )qui montre bien l’absurdité de la chose et de notre administration.

Des milliers, des dizaines de milliers de citoyens, de travailleurs indépendants sont traités, agressés de la même manière dans notre pays, certains sont ruinés, obligés de cesser leur activité uniquement en raison de la bêtise de notre administration, dans l’indifférence totale de nos élus. 14 000 euros pour ce chez étoilé, 13 000 euros pour cette pizzeria, et la « mamie bistro » près d’Arras, aux 700 € de bénéfices annuels, redressée pour travail au noir car son mari de 70 ans lui donnait de temps en temps un petit coup de main. Relaxée par le Tribunal, le procureur a fait appel, solidarité entre administrations ? Et Emaus à Cambrai, qui donnait un « pour boire » de 10 euros à ses bénévoles, redressé par l’Urssaf de 82 000 €. Rappelez-vous aussi de ce patron d’un petit organe de presse lyonnais (Planète Lyon, trimestriel pour soutenir l’Olympique Lyonnais) qui pour se lancer, faisait distribuer des flyers par des cousins et amis lycéens. Redressé de 21 000 € par l’Urssaf pour travail dissimulé non déclaré. Il s‘est battu, a perdu. Résultat : liquidation de l’entreprise. Rappelez-vous de ce fabricant de jouets de Gigean dont j’ai conté l’histoire dans un billet ( /2018/03/11/banales-absurdites/ ). Artisan il fabriquait des jouets en bois uniques. Comme il les vend, on l’a obligé à faire passer les tests de sécurité imposés à tous les jouets en vente, tests qui coûtent des milliers d’euros et détruisent les jouets testés. Résultat, après une carrière bien remplie sans accident, il n’avait pas d’autre choix que de cesser son activité artisanale et artistique, pour plaire à l’administration. Ce n’était pas cette fois l’URSSAF, mais un autre secteur de notre belle administration, dont les responsables sortent d’une grande école nationale d’administration.

Au nom des mêmes textes, des mêmes principes le boulanger qui mange sa baguette au lieu de l’acheter chez le concurrent, le chauffeur de taxi qui rentre à son domicile avec son véhicule professionnel, le marchand de journaux qui lit ses revues sans les payer, le cultivateur qui mange ses propres salades, le viticulteur qui boit son vin, le médecin qui ne paye pas sa consultation où à qui son conjoint rend quelques services, ont des avantages en nature qui peuvent être taxés !

Maintenant décortiquons les faits pour comprendre qui a tort, qui a raison, je suis pour cela allé aux sources, auprès d’un contrôleur URSSAF pour savoir ce qui autorise cet organisme à agir ainsi et savoir si c’est légal. Ce restaurateur fait manger sur place ses employés, il déclare donc 6 euros d’avantages en nature qu’il rajoute sur la feuille de paie. L’URSSAF débarque et constate que le patron est bien obligé de manger, et sur place vu son métier. Elle décide donc de calculer le coût de ce repas, en l’alignant sur le coût moyen des repas servis au restaurant, et au passage de le considérer comme avantage en nature dissimulé car non déclaré, et donc d’appliquer une amende. Pourquoi l’URSSAF n’a pas retenu le chiffre de 6 euros des salariés, d’autant plus que tous mangent la même chose, et ensemble, ce qui ne peut être servi aux clients ? Tout simplement parce que les textes s’appliquent aux salariés, le patron n’est pas mentionné dans le texte (sauf s’il est salarié). J’apprends au passage que ce cas n’est pas isolé, la pratique est habituelle, et que le tarif de notre affaire n’est pas le plus élevé pour un patron de restaurant. Ma source me dit que ce patron doit aller au tribunal et qu’il gagnera, mais qu’il est de pratique courante, voire constante d’attaquer les petits en étant juridiquement border line, la plupart se laissant faire ou n’ayant pas les moyens de prendre un avocat contre l’URSSAF, ce qui n’est pas le cas des gros qu’on laissera tranquille pour un cas identique. C’est l’attitude de l’URSSAF qui explique que 90% des contrôles dans une petite entreprise sont positifs, pas le comportement des contrôlés. Quant aux gros, l’URSSAF est plus prudente sur les motifs de redressements, les motifs pouvant même être politiques et venant d’en haut, comme pour la construction de la Défense par Bouygues, les contrôleurs URSSAF ayant reçu l’ordre de ne pas contrôler…. Au passage j’ai demandé si le Président était contrôlé et déclarait, le coût de ses repas ne devant pas être donnés, vu sa brigade digne de celle de Louis XIV. Réponse : « s’il a des invités, pas de problème ». Je relance : « et s’il n’en a pas ? » Seconde réponse : « On ne contrôle pas les Ministères et la Cour des Comptes »…

Passons aussi sur le mode de calcul du montant de ces redressements, qui devrait relever d’un tribunal indépendant, non intéressé par le résultat, certains calculs étant arbitrairement délirants comme pour notre restaurateur qui ne devrait pas payer plus que le prix de la marchandise, si tant est qu’il doive payer pour cette « prestation » faite à lui-même. Pour notre revue Lyonnaise, c’est 100 € de remerciements pour le tractage qui ont été requalifiés en 6 mois de CDD. Même principe pour Emaus.

Devant la flambée médiatique du dernier « dérapage », le ministre dont dépend l’URSSAF (Gérard Darmanin) a demandé à ce que ce cas soit traité avec plus de discernement. Cela fait pourtant des années que lui et ses prédécesseurs font la sourde oreille devant des demandes répétées de parlementaires qui soulèvent le problème à la demande des professionnels agressés par l’URSSAF (JO du 23/10/2007, du 28/06/2016, du 08/12/2016). Dernièrement, le sénateur Daniel Gremillet avait attiré l’attention de Muriel Pénicaud, Ministre du Travail sur le montant de l’avantage en nature nourriture retenu pour les dirigeants dans la restauration. La réponse avait été un simple rappel des textes (JO 7 /02/2019). Si internet a plus de pouvoirs que nos élus, on pourrait peut-être les supprimer et se fier à internet pour gouverner ? Absurde, mais n’est-ce pas ce que font nos ministres ? Quand à notre Président, il ne dit pas qu’il faut réformer l’Urssaf, il a dit  qu’il « allait nous faire aimer l’Urssaf, qui est notre amie ». Traduction : vous n’avez rien compris, c’est l’Urssaf qui a raison et qui fait bien sont travail, avec de bonnes lois.

Tout ceci me rappelle un édito il y a bientôt 10 ans, ( http://www.carmf.fr/page.php?page=doc/publications/lettrepresident/2010/01/lettre_president2010.htm ) qui m’avait attiré les foudres du Directeur de la Sécurité Sociale, intitulé Etat ou mafia, où je rapportais une discussion entendue entre deux chefs d’entreprises. Le premier reprochait au second d’être allé s’installer en Lettonie ou Estonie, je ne sais plus, où il devait payer la mafia pour travailler. Réponse du second : « Effectivement je dois payer la mafia pour pouvoir travailler, mais je vais t’expliquer comment cela fonctionne en pratique. Tous les mois ils viennent me voir pour me demander si tout va bien, pour savoir s’ils peuvent faire quelque chose pour moi, pour me faciliter la tâche, pour m’aider à augmenter ma production. À l’inverse, vous en France, au lieu de la mafia, vous avez un État, qui vous prend deux à trois fois plus, et qui en échange fait tout ce qu’il peut pour vous empêcher de travailler”.

Gérard Maudrux

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13 commentaires

  1. Rappelons que derrière, ce sont les 22 URSSAF et leur holding, l’ACOSS ; depuis 1945 , ce sont 23 sociétés en participation , donc dépourvues d’existence juridique , collectant annuellement 703,5 milliards d’euros , et en concurrence avec leurs homologues européens depuis 2003 .

  2. Bonjour, ceci me rappelle les théories sur l’effondrement des sociétés de Diamond ou Tainter, la complexité insoutenable est un prémisse à l’effondrement de sociétés dans les cycles de ce type :
    • Une société, confrontée à des difficultés (intérieures ou
    extérieures), se complexifie pour les surmonter
    • La complexité génère à son tour de nouvelles
    difficultés… résolues par encore plus de complexité
    • Cela oblige la société à investir de plus en plus (de
    ressources, d’énergie…) dans le maintien et
    l’accroissement de cette complexité
    • Jusqu’au moment où elle n’est plus en mesure de
    supporter les coûts de cette complexité: à ce moment,
    elle se simplifie brutalement en s’effondrant
    Les exemples décrits dans votre blog me semblent des symptômes bien inquiétants…

  3. Votre esprit critique est-il affûté? À présent, pouvez-vous concevoir, bien entendu sous réserves de vérification, depuis 1945, soit depuis 74 ans, une taxation de 703,5 M€ (sept cent trois virgule cinq milliards d’euros), opérée pour l’essentiel sur 4.187.132 entreprises de moins de 10 salariés, taxation opérée sur deux fondements juridiques, à savoir:
    a) un monopole, implicitement allégué en 1945, mais formellement abrogé depuis le 1er janvier 2003;
    b) le statut de 22 “sociétés en participation”, alors que, depuis l’an 215 avant notre ère (https://fr.wikipedia.org/wiki/Publicain), pour acquérir une existence juridique, toute personne morale doit satisfaire cumulativement à trois formalités, en l’espèce successivement:
    1) rédiger entre les personnes physiques fondatrices un contrat écrit, dénommé les statuts;
    2) enregistrer ce contrat auprès d’un dépositaire public (à Rome, le prêteur; aujourd’hui, le maire, le préfet ou le greffier de commerce);
    3) faire publier le contrat par les soins de ce dépositaire public.
    Sitôt que les trois formalités ont cumulativement été satisfaites, la personne morale acquiert l’existence juridique; dans le cas contraire, il ne
    s’agit pas d’une personne morale, mais d’un ectoplasme, juridiquement une “société en participation”.
    Sollicitez, à l’exclusion de tout ersatz (arrêté d’approbation) les statuts eux-mêmes, voici la réponse: https://www.youtube.com/watch?v=c45FtDhdDoY
    En résumé, une taxe annuelle de 703,5 M€, dans un contexte de parfaite concurrence, et reposant sur du vide.
    Vous doutez toujours? C’est logique, chaque année, l’audit de la Cour des comptes se clôt par un constat de carence; voici donc un florilège:
    …………………………………………………………………………………………………
    URSSAF, 40 % de l’activité des huissiers : https://www.lecerclelafay.fr/2019/09/16/lurssaf-40-de-lactivite-des-huissiers/
    Mission interministérielle “France Recouvrement” : https://www.lecerclelafay.fr/2019/09/16/france-recouvrement-la-nouvelle-arme-fatale/
    Décret n° 2019-949 du 10/09/19, réforme du recouvrement fiscal et social : https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2019/9/10/2019-949/jo/texte
    http://www.aidentreprise.fr/2018/02/rsi-urssaf-les-huissiers-qui-se-prennent-pour-des-cow-boys.html
    https://business.lesechos.fr/directions-juridiques/droit-des-affaires/contentieux/0601546524279-apres-un-code-du-travail-obese-une-urssaf-gourmande-330940.php
    URSSAF à 54.202 € (Pau, Ch. so, 29 août 2019, rôle 16/01940): https://www.lecerclelafay.fr/2019/09/09/54-202-e-pour-avoir-fait-travailler-son-petit-fils/
    URSSAF : https://www.lecerclelafay.fr/2019/08/18/un-redressement-de-202-270-e-pour-le-ccas-de-beuzeville
    URSSAF : https://www.lecerclelafay.fr/2019/08/02/l-urssaf-une-veritable-machine-de-guerre/
    URSSAF : https://www.lecerclelafay.fr/2019/08/07/les-echos-la-critique-a-legard-de-lurssaf-se-fait-de-plus-en-plus-entendre/
    URSSAF, contrôles en hausse : https://www.lecerclelafay.fr/2019/08/30/lurssaf-recrute/
    https://www.atlantico.fr/decryptage/3577121/petites-verites-sur-le-chomage-francais–quand-le-new-york-times-se-penche-sur-ces-18-000-emplois-industriels-qui-ne-trouvent-pas-preneur-dans-l-ain-thomas-carbonnier-eric-verhaeghe-new-york-times
    URSSAF, 3,5 milliards d’€ de redressements : https://www.lecerclelafay.fr/2019/07/24/les-urssaf-visent-35-milliards-deuros-de-redressements/
    URSSAF, 72 % des liquidations : https://www.lecerclelafay.fr/2019/07/24/lurssaf-a-lorigine-de-72-des-liquidations/
    URSSAF & autoentrepreneurs : https://www.lecerclelafay.fr/2019/07/24/lurssaf-aime-les-auto-entrepreneurs/
    URSSAF & Cash investigation : https://www.lecerclelafay.fr/2019/07/16/un-cash-investigation-sur-lurssaf/
    URSSAF, assujettissement des forfaits de ski : https://www.lecerclelafay.fr/2019/07/08/le-forfait-ski-avantage-en-nature/
    URSSAF, 7 ans de procédure : https://www.lecerclelafay.fr/2019/07/02/lurssaf-taxe-les-francofolies/
    URSSAF : https://www.lecerclelafay.fr/2019/06/19/aider-a-faire-les-courses-cest-5-984-e-pour-lurssaf/
    URSSAF : http://www.viragehumain.fr/IMG/pdf/ur_resultats_interessement_2018.pdf & https://www.lecerclelafay.fr/2019/05/19/un-controle-doit-performer/
    URSSAF : https://www.lanouvellerepublique.fr/indre-et-loire/commune/coteaux-sur-loire/admr-l-art-de-decourager-le-benevolat
    URSSAF : https://www.alternatives-economiques.fr/vague-de-luberisation-deferle-jobs-etudiants/00089246URSSAF : https://www.lecerclelafay.fr/2019/05/03/6407-me-de-redressement-pour-travail-dissimule-en-2018-bravo-les-urssaf/
    URSSAF : https://www.contrepoints.org/2018/10/14/327646-et-bientot-le-fisc-est-votre-ami
    URSSAF : https://www.contrepoints.org/2018/10/17/327894-urssaf-moi-macron-president-je-vais-vous-faire-aimer-letat
    URSSAF : https://www.contrepoints.org/2018/10/16/327784-lurssaf-devrait-revoir-ses-methodes-pour-devenir-lamie-des-entreprises
    URSSAF & Macron : https://www.contrepoints.org/2018/10/10/327305-les-patrons-ne-sont-pas-les-amis-de-lurssaf
    URSSAF : http://www.entreprise.news/toulouse-lurssaf-reclame-par-erreur-181-millions-deuros-a-un-restaurateur/
    URSSAF : https://blogs.mediapart.fr/bernard-gensane/blog/251019/un-restaurateur-taxe-par-l-urssaf-car-il-mange-dans-la-cuisine-de-son-resto
    …………………………………………………………………………………………………….
    Cependant, qui pourrait s’insurger? Le Medef, c’est-à-dire le CAC 40: ce sont des boites qui font 90 % de leur chiffre d’affaires en-dehors des frontières françaises, et qui, de ce fait, ignorent tout de la vie de 95,35 % des entreprises françaises, supportant 62,2 % de prélèvements obligatoires, partant, incapables de se développer pour passer au stade des ETI, étape d’accès à l’international.
    ……………………………………………………………………………………………………..
    Alors, comment en sortir ? C’est tout simple, il suffit de deux formalités:
    a) adopter d’emblée le statut de société européenne (capital minimum: 120.000 €), gage de mobilité dans les 27 pays de l’UE;
    b) se placer sous le privilège de la Bulle Parens scientiarum, promulguée par Grégoire IX, le 13 avril 1231.
    …………………………………………………………………………………………………….

  4. Cela me rappelle la visite d’un huissier dans ma salle d’attente en Septembre 1980 pour me signifier que je n”avait pas payé les cotisations Urssaf au mois de Mai alors que je venais de m’installer mi Août .
    Après avoir reconnu que j’avais raison il m’a quand même conseillé de payer y compris l’amende pour suspendre les poursuites engagées et me faire rembourser par la suite .Le remboursement n’a eu lieu que 3 mois plus tard alors que l’on savait qu’une entreprise locale était en délicatesse avec l’Urssaf depuis plus de trois ans !

    • En ce qui concerne la différence de traitement entre les petits et les gros, pensez vous que les hôpitaux payent toutes leurs cotisations ? Les ministères ? .. La Cour des Comptes en 2018 signalait ce secret de polichinelle, parlant de plusieurs dizaines de milliards non recouvrés, tant dans le privé que dans le public.

  5. Excellente analyse. C’est très clair : l’administration nous attrape par les pieds, nous met la tête en bas pour vérifier qu’aucune pièce de monnaie planquée ne tombe de nos poches. C’est normal, il faut bien qu’elle vive cette administration! Je me souviens très bien de cet édito tout à fait frappant. Et la réaction du directeur de la Sécurité Sociale démontre que vous aviez vu juste.

  6. d’accord avec votre analyse, pas d ‘accord avec ce qui est presenté pour ce restaurateur…
    si on compte 107 euros le repas par jour, en trois ans, sans compter les majorations, on devrait etre au delà de 100 000 euros…
    c’est donc que le calcul de l ursaff est different

    • bientôt à 10€ la paire de lunettes pour 2020(chez l’opticien) ) ,on verra bien quand il faudra + de 120 jours pour pouvoir passer une visite chez l’ophtalmo!

  7. On ne devrait recruter des fonctionnaires qu’après 15 ans de travail dans le privé … surtout les énarques. Comment peut on donner autant de pouvoir sur les sociétés privés à des gens qui n’y ont jamais travaillé !!