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Réforme des retraites : mise à mort des régimes complémentaires et des caisses professionnelles ?

Le gouvernement consulte, mais comme habituellement quand il « consulte », sa décision est déjà prise et il pourra dire que « la décision a été prise après une large consultation ». Quelle décision ? Le régime universel concernera tout le monde jusqu’à 3PSS (Plafond de la Sécurité Sociale), englobant les régimes complémentaires jusqu’à ce niveau, avec liberté de perdurer au-delà de ce niveau (120 000 € de revenu). Il reprend l’intégralité des droits acquis à ce jour et son rendement  a été calculé à 5%, le même pour toutes les cotisations, qui pourront être différentes pour chaque catégorie, afin de rester au niveau actuel.

Les régimes complémentaires ont été patiemment constitué par les différentes branches professionnelles responsables depuis 70 ans, chaque fois gérés par les professions elles-mêmes. Les salariés ont le leur, les agriculteurs, les artisans, commerçants, chaque profession libérale, tout le monde a le sien venant compléter le régime de base obligatoire imposé en 1945. Chacun a géré en fonction des revenus de la profession, de sa mentalité, de ses particularités, de ses souhaits.

Tout ceci va être totalement remis en question, pour ne pas dire massacré pour une seule et unique raison : aider ceux qui n’ont pas pris la responsabilité de créer leur propre caisse de retraite, puisant dans les fonds publics pour financer leur retraite, définie arbitrairement indépendamment de toute cotisation, de répartition ou de capitalisation. Les autres Français qui les ont supportés financièrement depuis 70 ans, vont maintenant devoir sacrifier leurs propres régimes sur l’autel de la fonction publique.

Un régime universel jusqu’à 1PSS, c’est un régime de base universel, pourquoi pas. Le problème est que sa cotisation, versée actuellement par tous ceux qui ont un régime de base absorberait la totalité de la cotisation apparente des régimes de fonctionnaires et spéciaux, et cela oblige quasiment à créer à côté un régime complémentaire pour eux. En passant le régime de base universel à 3PSS, la totalité de ces salariés est couverte, point besoin de créer de régime complémentaire.

Le problème, est qu’en agissant de la sorte, que deviennent les régimes complémentaires des autres professions ? Chez les médecins, le régime complémentaire va jusqu’à 3,5PSS. Les 3 premiers PSS sont alors absorbés par le régime universel, il resterait à la caisse à gérer un complémentaire entre 3 et >3,5PSS. Est-ce utile d’avoir une caisse de retraite pour gérer un régime pour les revenus compris entre 120 et 140 000 € ? Stupide et ingérable. Seul les travailleurs disposant d’un revenu supérieur à 120 000 € auraient droit à un régime complémentaire, et que pour la tranche de revenus au-dessus ! Des caisses et des régimes complémentaires professionnels que pour les très riches (moins de 5% de la population) ? Politiquement incorrect. Si gérer un régime ridicule est ingérable (sans compter nos frais de gestion qui avec 94% de recettes en moins passeraient de 1,25% à 20%), le fermer l’est encore plus, obligeant à une cotisation sans droits pour assumer le passif pendant plus de 60 ans. Quant aux fonctionnaires et régimes spéciaux, ils seront les seuls à avoir un régime complémentaire au premier euro et en capitalisation, l’actuelle Retraite Additionnelle de la Fonction Publique.

Lors de cette « consultation » avec les responsables, à la question « notre caisse va-t-elle persister avec le régime universel », la réponse a été directe : « vous pourrez encore gérer l’invalidité et l’action sociale ».

Au lieu de faire un régime de base universel, justifié et facile à faire, pour ne pas avoir à créer un régime complémentaire en répartition pour les fonctionnaires et régimes spéciaux, il a été décidé (à ce jour), de sacrifier les régimes complémentaires. Créer un régime pour les fonctionnaires, ferait apparaître la vraie cotisation, car actuellement ils n’ont pas de de cotisation patronale, les retraites sont versées en prélevant sur le budget de l’Etat ou des entreprises, non sur des consultations. Cette cotisation patronale est actuellement évaluée à 75-80%, plus pour certaines catégories (militaires).

Autre piège qu’il faudra surveiller de près : la cotisation patronale de l’Etat et des régimes spéciaux au régime universel. Si elle est la même que pour les salariés de droit commun, cela est très loin de couvrir les droits acquis, qui seront à la charge de tous les autres cotisants. Si elle est différente, nous ne sommes plus dans l’universel, même si le rendement identique pour tous est respecté. En effet si le salarié de base paye 10 et son employeur 20, sa retraite est calculée sur 30. Par contre si pour des privilégiés, le salarié paye 10 et l’employeur 40, la retraite est calculée sur 50. Même si la cotisation a le même rendement dans les deux cas, il y en a un qui va toucher plus, et qui paye la différence de cotisation du second ? Son employeur qui n’est autre que le contribuable.

Monsieur Macron, si vous voulez réduire les inégalités dans ce pays, supprimer des privilèges injustes, la méthode que l’on vous propose ne règlera sans doute pas grand-chose. Votre vœu (et le nôtre), pour se réaliser, passe par un régime de base universel (où serait introduit de la solidarité ce qui n’est pas le cas aujourd’hui), et des régimes professionnels autonomes, y compris chez ceux qui n’en ont pas aujourd’hui. Il est facile de créer ces régimes de manière équitable, sans toucher aux droits acquis, ce que je vous expliquerai dans mon prochain billet.

Gérard Maudrux

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16 commentaires

  1. Bonjour Mr Maudrux.
    Merci pour vos explications, même si elles sont, effectivement, très techniques. Mon impression générale, je fais peut être un résumé trop court, est que l’Etat a bien l’intention de voler les réserves des régimes privés au profit du secteur public. Rien de bien nouveau, en somme, cela est fait depuis longtemps par le “jeu” des compensations. Est ce que je me trompe ? Par ailleurs il semble vouloir supprimer les pensions de réversions. Avez vous des informations plus précises? Nous avons compris le message de la part du gouvernement, de toute façon : les retraités sont des galeux.

    • Pour les réserves, voir ma réponse à pibi. Ce n’est pas un objectif, mais une conséquence… sans conséquence.De plus les réserves existantes ne représentent que quelques mois d’un régime universel et ne règlent strictement rien sur le long terme. Logique, le système est basé sur la répartition et le peu de capitalisation est accessoire.
      En ce qui concerne les reversions, la suppression est dans leur cartons depuis bien longtemps, j’ai entendu quelques réflexions bien avant la proposition de réforme actuelle. On pousse les conjoints à travailler pour acquérir des droits propres (un salaire ne suffit plus, ouverture du statut de conjoint collaborateur,.. puis étape suivante réversion sous condition de ressources,… à force de rogner, il ne restera bientôt plus que le minimum vieillesse).
      Les retraités sont effectivement des proies faciles pour nos dirigeants qui cherchent pas tous les moyens à rogner sur les redistributions pour financer leurs dépenses.

  2. Gérard
    en complément de mon dernier commentaire, je me suis aperçu que la CARMF demandait l’avis de ses assujettis :Chargé par le Gouvernement de préparer et de conduire la concertation sur la réforme des retraites auprès d’Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites lance le 31 mai un vaste dispositif de participation citoyenne.

    La plateforme http://www.participez.reforme-retraite.gouv.fr propose à chaque citoyen de réfléchir aux différents scenarios ou alternatives pour mettre en œuvre l’objectif de la réforme « un euro cotisé, mêmes droits ». Les internautes peuvent voter, commenter, proposer de nouvelles pistes de réflexion sur les thèmes suivants :
    Il va falloir piloter la réflexion et argumenter les réponses , mais c’est un bon début…

  3. Bonjour Gérard , je m’aperçoit que tu peux continuer ton raisonnement et peut être le développer sur “you tube ” avec des courbes comme celles de 2004 lorsque que tu étais président.
    Il est temps de développer le pragmato technique avec un raisonnement à la portée de tous qui est logique et réfléchi.
    Il faut continuer à enfoncer le clou ..le débat commence et la CARMF devrait le suivre techniquement .C’est son rôle..

  4. Dr MAUDRUX,
    j’ai bien lu attentivement vos deux derniers billets. Meme si c’est très bien expliqué, en tant que jeune medecin ca reste relativement complexe…
    dans l’autre billet vous dites que je cite il pourra y avoir des cotisations differentes pour chaque profession pour ne pas perturber les equilibres actuels => alors deja sur le fond pourquoi tout le monde en france ne cotise pas pareil ? Meme taux, meme retraite…la je pense que ce serait difficile de faire plus equitable ….et dans le billet ci dessus vous rencherissez :
    Chacun a géré en fonction des revenus de la profession, de sa mentalité, de ses particularités, de ses souhaits…. alors la je ne comprends pas très bien , moi en tant que jeune medecin je n’ai rien géré du tout, mentalité ? Souhaits ? On ne m’a jamais demandé … j’arrive et je paye alors que justement à mon sens la retraite est vraiment une question de choix…qui a defini les taux de cotisations actuels ? Et la disparition du RC n’est elle pas justement l’occasion de voir une forte baisse du taux dans ce “regime” ?  (qui n’existerai plus mais qui sera fusionné pour donner un taux de cotisation unique plus faible dans le regime universel avec plus de possibilité pour la capi pour ceux qui souhaitent )

    Si gérer un régime ridicule est ingérable (sans compter nos frais de gestion qui avec 94% de recettes en moins passeraient de 1,25% à 20%), => nous sommes bien d’accord

    le fermer l’est encore plus, obligeant à une cotisation sans droits pour assumer le passif pendant plus de 60 ans => pour quelle raison ?? qu’est ce que ca veux dire ?

    • Bonjour
      Les différences de cotisations ont été un choix de chaque profession, de plus certaines ont choisi d’avoir plus de RB, d’autres plus de RC.Si aujourd’hui une catégorie paye 20%, l’autre 25% pourquoi obliger la première à payer 5% de plus, d’autant plus que 20% couvre ses propres retraites, le surplus de cotisation ira vers les autres. Donc gardons les mêmes cotisations pour ne léser personne, et ce n’est pas grave dans un système par points : celui qui paye 20 touchera sur 20, celui qui paye 25 touchera sur 25, il y a donc égalité. Après chaque profession aura la possibilité d’augmenter ou de diminuer pour s’aligner.
      Vous n’avez rien géré personnellement car nous ne sommes pas dans un système individuel mais collectif. C’est votre profession, ses représentants qui a décidé et qui décide encore pour vous.Vous préférez un système individuel, c’est un autre débat. Vous subissez les erreurs de gestion, les mauvais choix des anciens, c’est vrai. Les médecins ont la cotisation la plus élevée de France, c’est dû au choix de nos représentants syndicaux en 1972 avec l’ASV. Ils en ont bien profité, maintenant c’est vous qui payez. Ce n’est pas juste, mais quelle solution ? Je leur ai proposé une solution de fermeture avec financement des droits acquis il y a 15 ans, les syndicats ont refusé, vous connaissez donc les coupables.
      Enfin votre question sur la fermeture. Si on ferme un régime de retraite, on ne cotise plus, on n’a plus de points, OK. Quid des points vendus avant fermeture ? Si on ne cotise plus, qui va payer les retraites en cours ? Qui va payer dans 20 ans les droits que vous avez acheté depuis 15 ans que vous exercez ? Non seulement il faut payer dans 20 ans quand vous prendrez votre retraite, mais aussi pendant les 20 ans que vous vivrez à la retraite. Qui payera s’il n’y a plus de cotisant dans ce régime fermé ? (J’avais trouvé la solution dans l’ASV, qui est particulier, mais je ne l’ai pas pour le RC)

  5. Merci Mr Maudrux pour vos articles sur la réforme des retraites, je vois de plus en plus que le challenge pour les politiques c’est de perenniser en lousdoc la charge et les avantages de certains régimes associé bien trop souvent au statut de fonctionnaire. Tout ces statuts trop divers sans doute concernent combien de personne, combien d’argent est en jeux pour chaque années à venir … qui est capable de le savoir ? l’Etat devant impérativement faire l’économie d’un mouvement social de ses serviteurs fonctionnaires va certainement s’attacher à maintenir ces avantages sur le dos de la multitude citoyenne et moutonneuse. Les réserves et les baisses de points appliqués par les caisses complémentaires responsables et prévoyantes seront donc captées pour affermir le service de la retraite de certains(?) tout les fonctionnaires ?
    Le sujet est vraiment compliqué pour moi, votre expertise en la matière va beaucoup m’aider à comprendre.
    Croyez vous vraiment que tout les Français seront à peu prés égaux avec le mode de financement des retraites qui se profile ? Personnellement je pense que ce qui sera garanti c’est uniquement le minimum vieillesse … et que certains cotisants seront plus ( voire énormément plus – avec une perspective complotiste ) égaux que d’autres !

    • Bonjour
      Pour le nombre, il est connu : additionnez les actifs fonctionnaires, ceux des régimes spéciaux et tous leur retraités. Je ne l’ai pas fait. A la louche une douzaine de millions de personnes ?
      Est-ce que je pense que nous serons plus égaux avec la réforme qui se profile ? Je ne peux répondre, car je ne sais pas comment seront intégrés les fonctionnaires et les régimes spéciaux. Tout dépend de cela. Si dans le régime universel ils sont intégrés au même niveau, oui. Même niveau c’est même cotisation que les salariés qu’ils sont, et même cotisation de leur employeur, comme pour tout employeur du régime général actuel.C’est également mêmes règles (âges de départ, avantages familiaux,… le problème du calcul du montant de la retraite (25 meilleures années ou 6 derniers mois) disparait dans un système par points). Si des professions ont des taux de cotisations différents, il peut y a quand même égalité dans un système par points : celui qui paye 20 touchera sur 20, celui qui paye 25 touchera sur 25, mais dans ce cas, il faut faire attention à ce que quand un tiers paye une part de la cotisation (l’employeur), la proportion entre part cotisant et part employeur doit être la même pour tous.

    • Bonjour
      Dans ce qui est prévu, cotisation et points sont linéaires : celui qui paie 3 fois plus a 3 fois plus de points, le bas revenu a très peu de points. Dans le système de base que j’ai proposé pour les professions libérale en 2003 et adopté en 2004, les premiers points sont acquis moins cher (par tout le monde, bas et hauts revenus). Les bas revenus ont ainsi plus de points (celui qui paie 3 fois plus, n’a que 2 fois plus de points), ce qui évite à les prendre en charge par d’autres moyens.

      • Ok mais vous ne répondez pas à la question : pourquoi dites vous qu il n y a pas de solidarité alors que l on cotise en fonction de ses revenus et reçoit en fonction de ses besoins ……

        • Apparemment nous avons une petite divergence sur la notion de solidarité. Si on cotise en fonction de ses revenus et que l’on a tous le même rendement, la retraite est proportionnelle aux revenus (ou à la cotisation). Cela reste individuel, il n’y a aucun transfert direct ou indirect, donc pas de solidarité. Pour moi, solidarité suppose un transfert de l’un vers l’autre, les plus riches aidant alors les plus pauvres, pour avoir au moins une retraite minimum. Les propos de Macron supposent que chaque euro cotisé doit avoir le même rendement, donc que la retraite est proportionnelle à la cotisation, ce qui exclut la solidarité, qu’une partie de la cotisation ne donne pas autant de points. Je n’ai jamais été contre la solidarité, mais contre ses excès ou l’extorsion de fonds qui n’a rien à voir avec la solidarité. Elle doit s’exprimer dans le RB, uniquement dans le RB, pas dans le RC, et doit assurer un minimum, mais pas au delà, après c’est une affaire individuelle, chacun en fonction de ses efforts contributifs.2 tranches de cotisations à rendement différents suppose que les pauvres comme les riches cotisent dans ces 2 tranches et en bénéficient tous deux, question de justice et d’égalité. Si ce n’est pas le cas, pour donner le minimum, on prélève ailleurs et celui qui donne n’ pas les mêmes droits, ce qui n’est pas normal. Solidaires, pais tous égaux.

          • On est donc d accord : le système actuel n est pas solidaire y compris la retraite carmf

          • Désolé, je n’avais pas compris que c’est là où vous vouliez en venir par un chemin très tortueux. Tortueux et erroné, car elle l’est de manière importante par le RB. Quant au RC, il alimente 80% de l’action sociale, de loin la plus importante par affilié de toutes les caisses de France.