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Vive le “service” public made in France.

Avant de revenir aux retraites, un dernier billet sur la SNCF, superbe exemple de l’incapacité de nos dirigeants successifs à gouverner,  inégalités et gouffres financiers se substituant à efficacité.

Une grève pour rien ? J’ai cru au départ à un gouvernement prêt à affronter un conflit sévère pour mettre enfin une fois pour toutes fin à des dérives économico-politico-syndicales malmenant les citoyens et indignes d’un grand pays donneur de leçons. J’ai approuvé, mais après quelques mois, j’ai l’impression qu’on assiste aujourd’hui à une grève qui continue pour pas grand-chose. Quel résultat sur le statut des cheminots, de la SNCF, la mise en concurrence, et les 50 milliards de dettes ?

Le statut des cheminots. Le droit commun ne s’appliquerait qu’aux nouvelles embauches. C’est déjà possible depuis des années et peu appliqué. Surtout en préservant les privilèges cela va encore coûter pendant plus de 50 ans. Le jeune embauché hier, qui va travailler 40 ans et vivre 25 ans à la retraite dans des conditions que n’ont pas les autres citoyens sera encore à financer par près de deux générations de travailleurs. Ceux qui seraient obligés de quitter ce statut pour d’autres sociétés emporteraient leur « sac à dos social », obligeant ces nouvelles sociétés à supporter une grande partie de ces privilèges. Alors que vont réellement perdre ceux qui paralysent la France aujourd’hui ? Et côté dirigeants, quelles économies sinon sur le très très long terme ?

Le statut de la SNCF et la mise en concurrence. La mise en concurrence a été décidée par l’Europe en 1990-92. Le calendrier du gouvernement prévoit l’ouverture de la dernière ligne pour 2037, soit 45 ans plus tard ! Au nom de l’égalité entre les citoyens, si on étale sur 45 ans ces mesures pour protéger le statut de quelques cheminots, pourquoi par exemple n’a-t-on pas étalé sur 45 ans l’augmentation de CSG des retraités ? Deux poids, deux mesures et dictature des minorités. Quant au nouveau statut de « société nationale à capitaux publics », quelle révolution dans un changement d’appellation si cette société est exemptée d’appliquer le même droit du travail que n’importe quelle société ?

La dette. Reprise par l’Etat ou non ? Par qui ? Comment ? Ne soyons pas hypocrites, 50 milliards ne tomberont jamais du ciel, c’est lesFrançais et eux seuls qui paieront. Toutes les gesticulations actuelles n’ont qu’un but : comment le cacher ? Le faire passer dans le budget d’une manière ou d’une autre une année, ferait passer notre déficit de 3 à 5%, créant des conflits avec l’Europe. Alors comment habiller cela ? C’est la seule question, car qui paiera, on le sait et il ne peut en être autrement.

Egalement que d’incohérences dans le discours et la politique ! Dimanche le Ministre des finances dit à propos d’Air France que « l’Etat n’est pas là pour éponger les dettes, venir à la rescousse d’entreprises qui ne feraient pas les efforts nécessaires de compétitivité », tout en cherchant à éponger la dette de la SNCF dont la compétitivité est bien loin de celle d’Air France, avec la complicité de l’Etat. Lundi c’est le premier Ministre qui dit qu’une « règle d’or » sera imposée interdisant tout endettement excessif de la SNCF à l’avenir. C’est d’abord valider un futur budget en déséquilibre permanent, et si cette « règle d’or » est la même que pour la France, 3% de déficit, sur 30 milliards de budget, cela fait presque 1 milliard de déficit autorisé par an. Bonjour la prochaine dette SNCF dans quelques années !

Dernière incohérence et non des moindres concernant le statut avec la cohabitation de 2 statuts, anciennes et nouvelles embauches. Comment ceux qui crient au scandale concernant les salaires inférieurs des femmes, prônant fort justement le « à travail égal salaire égal », peuvent-ils dans le même temps organiser l’inverse, quel que soit le sexe ? Vous avez dit « à travail égal, salaire égal » est incompatible avec les deux statuts. Espérons que les garants de l’égalité, Conseil Constitutionnel, Cour Européenne des Droits de l’homme, sauront empêcher cela. Certes si le salaire peut être identique, les avantages qui vont avec sont un supplément de salaire indirect. Que l’on conserve les droits (avantages) “acquis” à ce jour est une chose que l’on peut accepter, que l’on continue d’en distribuer distribuer aux uns et pas aux autres, est une autre chose.

Alors permettez-moi de penser que ce boulet accumulé depuis 60 ans, nous allons encore le traîner encore une soixantaine d’années. Tout le problème est de savoir comment faire avaler la pilule sans que nous le voyions, et là c’est très facile, nos politiques sont passés maître dans cet art, et ceux qui ne seront pas d’accord seront mis au ban d’une société à pensée unique.

Enfin pour vous rassurer, sachez qu’il y a pire que la SNCF quand les élus organisent ce service public. En Corse, c’est la région qui gère le réseau SNCF depuis 2011. Le rapport de la Cour des comptes est édifiant. 2 fois sur 3 il n’y a pas de contrôle des billets et « la société ignore le nombre de voyageurs transportés », pas plus « qu’elle ne connaît le nombre d’heures de conduite de ses agents ». La région injecte 20 millions/an, les billets ne couvrant que 20% des charges d’exploitation.

5 heures de travail hebdomadaire, chacun déclare le nombre d’heures qu’il souhaite et déclenche à sa guise, le passage en heures supplémentaires. Une réunion syndicale justifie des heures supplémentaires. Par dérogation avec le régime applicable à une entreprise privée exerçant une mission de service public, les grèves n’entraînent pas de retenue systématique sur le salaire ou les congés des participants, résultat trois grèves en quatre ans… En moyenne, chaque salarié est arrêté 28 jours par an, essentiellement pour maladie, le statut ne prévoyant pas de jour de carence. Ces « maladies » représentent 2,1 millions par an, soit près de 10% des charges.

 

Gérard Maudrux

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19 commentaires

  1. La bataille des grévistes de la SNCF au-delà de l’emblématique statut pour les nouveaux, ne serait pas plutôt celui de la retraite en or actuellement promise aux cheminots en activité ?

  2. Bonjour si j’ai bien compris tout ce remue ménage n’est qu’un enfumage pour faire passer le rachat de la dette de la SNCF par les malheureux contribuables, n’est ce pas pareil pour le prélèvement à la source: jusque là les impôts étaient recouvrés sur l’année antérieure et non l’année en cours et payés trimestriellement ce qui faisait un retard de paiement de un an et 3 trimestres au maximum pour entrer dans les caisses de Bercy. Avec le prélèvement à la source les impôts sont payés tous les mois( un seul mois de retard) et pour les déductions fiscales le contribuable fait l’avance et est remboursé plus tard. Au lieu de créer cette usine à gaz il aurait été beaucoup plus simple et moins couteux d’obliger le paiement mensuel de l’impôt par prélèvement Enfumage quand tu nous tiens.

    • La mensualisation, c’est le même résultat, en dix fois plus simple ! Trop simple pour nos dirigeants, et en faisant plus compliqué les Français ne comprendront rien quand on les roule. Ce qui est simple est lisible et compréhensible et transparent, donc honnête.

  3. Bonsoir lorsque j’etais en activité quand j’écrivais au service médical de la sécurité sociale je marquais sevice médical sur l’enveloppe (petite mesquinerie)

  4. egalement deçu par le peu d envergure de cette réforme…
    pour l anecdote, j ai été salarié du comité d’entreprise d EDF GDF..dirigé par la cgt..
    comme leurs centres de santé sont en déficit permanents, ils ont commencé par embaucher les nouveaux praticiens avec un statut bien moins interessant, puis aprés quelques années nous ont licencié car nous refusions ce statut..ils ont été condamnes par les tribunaux…
    mais donc quand ce sont eux les gestionnaires, ça ne les gène pas de mettre un nouveau statut pour les jeunes puis de l imposer aux anciens..et tout ceci pour une meilleure rentabilité des medecins

  5. Les cheminots représentent environ 1% des emplois. 44% des français soutiennent leur grève. Dans ces 44% il y a forcément des salariés du privé qui n’ont pas les avantages des cheminots. Les français n’ont que les inégalités qu’ils méritent, dommage pour ceux qui ne les supportent pas. Comme l’aurait dit le Général De Gaulle “Les français sont des veaux” ce qui n’est pas très flatteurs pour les veaux.

    • C’est malheureusement trop vrai. Les Français râlent, mais à force de ne rien dire ou de défendre ce qui va à leur encontre, ils ont ce qu’ils méritent. Question de culture ou d’éducation ?

  6. j’ai des elements qui me permettent de dire (dans les années 90) une equipe de 6 personnes employés SNCF etaient chargés de l’entretien de Voiron nord à Voiron sud
    dans la même periode 2 artisans associes serruriers assuraient le même service à raison de 1 ou 2 jours /semaine sur la partie St André le Gaz Voiron et Voiron le Fontanil
    Etonnant non!!!!!!!!!!!!!!

    • Pour ceux qui ne connaissent pas l’Isère, Saint André le Gaz (ancienne grande gare, noeud ferroviaire entre Lyon, Grenoble, Chambéry, Suisse, Italie) – Le Fontanil (entrée Grenoble) fait environ 45 Km, moins les 5 Km de traversée de Voiron. Donc une portion de 40 km entretenue par 2 tiers temps, et 5km entretenus par 6 temps plein.

    • Aux finances, je ne sais pas, mais chez le premier Ministre certainement, puisque son directeur adjoint n’est autre que mon grand ami Thomas Fatome. Ceci dit je doute qu’il ne les montre à son chef. Bien amicalement.

      • Il ne me semble pas que ce monsieur, thomas fantôme était de vos relations. .? Ce qui est encore une mauvaise nouvelle car il serait bien que votre analyse soit un peu plus écoutée. .

        • Une relation, mais pas très bonne. Il était directeur de la Sécurité Sociale quand j’étais Président de la cCaisse des médecins. Pour moi un inactif très actif pour tout bloquer sans motif, j’en aurai beaucoup à raconter sur lui (RSI, Cipav, décisions de rejets de décisions de caisse sans avoir vu une ligne du dossier,.. et pour couronner le tout il ne supporte pas non plus la démocratie, quand il ne supporte pas un élu, il fait un décret pour le virer). Il sévit malheureusement maintenant comme sous directeur au cabinet du premier Ministre, endroit ou je viens de lire un article ce matin sur les problèmes d’emplies qui souffrent et s’en vont devant l’arrogance des responsables. https://actu.orange.fr/politique/matignon-les-conditions-de-travail-pointees-du-doigt-magic-CNT0000013mASe.html

    • Ce ne sont pourtant que des chiffres non discutables, c’est sans doute pour cela qu’on les évite. Cordialement.