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Parallèles (2)

Certains parallèles jugeant de comportements dans des situations identiques semblent montrer que l’éthique est inversement proportionnelle au niveau d’influence, et conduit à changer la devise de la France « Liberté, Egalité, Fraternité » en « Faites ce que je dis, pas ce que je fais ».

 

Premier parallèle

Les caisses de retraite, lorsque leur position dans un fonds ou une Sicav est importante, ont droit à un poste au Conseil d’Administration. Lorsqu’un administrateur de la caisse des médecins s’y rend, il rembourse le jeton de présence (2 à 3000 €) d’administrateur de la Sicav à la caisse, car il siège au nom de la caisse et non en son nom propre. La caisse rembourse son déplacement et l’indemnise (200 €) pour avoir fermé son cabinet une journée.

L’Etat a encore une participation dans 81 entreprises, lui donnant droit à des postes d’administrateurs dans ces entreprises. Elle y envoie des haut fonctionnaires (en général Bercy, Conseil d’Etat,..). Par contre ces messieurs dames n’ont pas la même éthique. Tous les jetons de présence dans les CA sont gardés par ces hauts fonctionnaires, qui se partagent ces postes juteux entre eux. Exemple parmi d’autres : Anne Marie Idrac (SciencesPo-ENA-Conseillère d’Etat) siégeait comme administratrice au CA de sociétés aux compétences variées comme Bouygues, Total, Saint Gobain. Total : 194 000 € de jetons de présence en 2016, auxquels s’est ajouté un poste au Conseil de surveillance de l’aéroport de Toulouse Blagnac. Mireille Faugère est nommée en 2010 à l’APHP à 300 000€/an (soit autant que son poste avant à la SNCF, où notre Ministre des armées actuel officiait pour 52 000 €/mois). Débarquée après 3 ans et des millions de pertes, avec 125 000€ d’indemnités elle est nommée Conseiller Maître à la Cour des Comptes avec sécurité de l’emploi à vie (sans remboursement de l’indemnité) et retraite qui va avec. Lorsqu’elle était à l’APHP avec son salaire, elle pointait aux Conseils d’Administration d’Essilor et EDF pour 75 000 €/an. Maintenant elle est également au jury de l’ENA et au comité de sélection de l’Inspection des Finances. A tous ces postes dans des Conseils s’ajoutent des centaines de «ménages» selon leur jargon, petits boulots rémunérés qui se cumulent à foison, aussi bien dans le public que dans le privé (quand ce n’est pas dans leur propre société de conseil créée en tant qu’auto-entrepreneur !).

Question : Comment un représentant de l’Etat, salarié de l’Etat et des organismes créés pour assumer ses tâches, peut il toucher ces sommes alors qu’il est déjà payé une première fois pour représenter l’Etat ? Après avoir été l’un des plus gros profiteur du système, l’un d’eux affirme que si l’Etat reste actionnaire avec des confettis dans nombre de sociétés où il n’a rien à faire, c’est principalement pour ces postes. Le corps des finances n’est donc pas prêt de se séparer de ces participations de l’Etat, du moins il gardera toujours quelques parts pour garder ces postes d’administrateurs pour arrondir les fins de mois de ses hauts fonctionnaires.

 

Deuxième parallèle

Le Président de la Carmf s’occupe de 200 000 affiliés, est responsable de la gestion de 7 milliards. Pendant 15 ans je n’ai pas été rémunéré pour cette fonction (interdit par la Loi pour les administrateurs d’organismes sociaux dont la quasi totalité sont rémunérés par leurs syndicats, eux mêmes financés par l’Etat). Outre le remboursement des frais (pas à 100%) j’ai été indemnisé pour la perte de gain engendrée les jours où j’étais à la caisse. Perte de gains les premières années : 30 000 € de baisse du CA, indemnisation de 3 000 €/an les 15 premières années, 10 000 € les 5 dernières après avoir fait condamner l’Etat. Le Président actuel est au même niveau.

La Présidente de l’établissement public qui gère le Grand Palais (Conseil d’Etat), touche 192 000 €/an pour gérer le personnel et l’organisation de quelques expositions chaque année. A l’INA c’est 185 000 € pour gérer des archives (sans compter le chauffeur et les notes de taxi.., réintégrée au Conseil d’Etat + chargée de mission dans un ministère). Un autre Conseil d’Etat a été directeur d’école, à 537 000 €/an, Science Po, qui comporte également un Conseil d’Administration où siègent nombre de hauts fonctionnaires dont d’autres Conseillers d’Etat. La Française des jeux ? 320 000 € pour le N°1, Inspecteurs des finances, secondé par un autre Bercy.

Question : pourquoi l’Etat a créé 1244 organismes dont le travail relève presque toujours de ministères ? Le ministère de la culture devrait nommer un responsable du Grand Palais dont l’Etat est propriétaire, pourquoi créer un organisme plutôt qu’un bureau ? Pourquoi une agence du médicament alors qu’il y a des bureaux s’occupant du médicament à la Santé ? Business France créé pour promouvoir les entreprises françaises à l’étranger, dépense 2,35 M€ pour ses 10 plus hauts salaires, soit 235 000 € de moyenne. Ses activités relèvent de l’Etat et de ministère (Affaires Etrangères ou de l’Industrie), la preuve, on y nomme des hauts fonctionnaires dont la dernière patronne est maintenant Ministre après avoir été épinglée pour non respect des marchés publics.

 

Troisième parallèle

Il est formellement interdit à tout administrateur de la caisse d’avoir un quelconque lien ou intérêt dans une société qui travaille avec la caisse. Notre confrère Cahuzac s’est vu reprocher après son passage au ministère de la Santé d’avoir monnayé ses conseils à des laboratoires. C’était un petit médecin, mais s’il avait appartenu à un grand corps d’Etat, il aurait pu en faire dix fois plus, officiellement et aurait été soutenu.

Ces pratiques sont en effet devenues plus que courantes et bien organisées chez les hauts fonctionnaires, via le pantouflage. Ils quittent la fonction publique pour le privé, reviennent après avoir glané 1 ou 2 millions dans le privé, repartent, se partageant nombre de postes. Les ministères multiplient les contrats d’études, de conseils à des sociétés privés, alors qu’ils ont pléthore de fonctionnaires aptes à assumer ces taches, mais qui préfèrent semble-t-il quitter la fonction publique pour le faire, bien rémunérés, pour revenir ensuite à leur place. En tête les cabinets de conseils anglo-saxons qui ont tous des grands commis, Inspection des Finances, Conseil d’Etat et autres, pour négocier avec leurs collègues du ministère, entre copains. Un exemple parmi des centaines : le cabinet Arsène Taxand, spécialiste de la fiscalité, a décidé de s’attaquer à la surtaxe de 3% sur les dividendes. Il embauche pour trouver la faille un énarque/inspecteur des finances/avocat qui a dirigé la cellule fiscalité des entreprises à Bercy, avec deux autres énarques de la direction des finances. Les 3 mousquetaires coûteront 9 milliards à l’Etat, et pantouflards, ils retourneront ensuite à Bercy. Ce pantouflage est limité dans le temps mais certains arrivent à l’étirer jusqu’à 25 ans, il suffit de décrets personnels, sortant bien plus facilement que les décrets permettant les modifications statutaires de nos caisses. Outre les conseils et études financières, les conseils juridiques ne sont pas en reste. Pour cela une loi de 1991 permet aux cadres hauts fonctionnaires de porter la robe d’avocat (en ont profité Hollande, la reine des glaces, DeVillepin, Cazenave, Copé, Philippe…). Selon le même principe, compétents en tout il leur suffit d’un décret pour revêtir de la blouse de médecin pour pallier à la pénurie, ce serait plus utile. N’y comptons pas, car moins lucratif et surtout seraient responsables de leurs actes. Ils se baptisent avocats non pour défendre les citoyens mais pour faire des affaires dans les cabinets d’avocats d’affaires qui fleurissent. Ces affaires étant confiées par les collègues des ministères, dans des conditions qui ignorent souvent les règles des marchés publics. La directrice de l’APHP citée plus haut avait en trois ans passé 1044 contrats de consultants. Quand l’Education Nationale veut faire une étude sur l’échec scolaire, bien que premier employeur de France, il est évident qu’elle n’a ni les effectifs ni les compétences, il faut donc qu’elle s’adresse à un cabinet extérieur pour un travail qui doit être fait en interne.

Les sociétés privées ne sont pas en reste, on retrouve ces pantouflards temporaires qui se relaient à Casino, Carrefour, Véolia, Unibail,.. et même Google, chaque fois pour contourner les textes ou en obtenir de plus favorables.

Manifestement en surnombre ce qui n’empêche pas de nouvelles embauches systématiques, en 2016, près de 200 fonctionnaires de Bercy sont passés dans le privé, 30% dans l’Inspection Générale des Finances. Un livre de 2007 sur le Conseil d’Etat parle de 40% des effectifs, en augmentation à l’époque. Un système bien huilé, organisé cyniquement par ceux qui font les lois, veillent à ce que nous les appliquons, permettant de détourner et arranger celles-ci pour leur profit. Ils ont même réussi à faire croire aux Français que la société civile avait pris le pouvoir, alors que plus de la moitié des Ministres appartiennent à ces corps et en profitent, et quand ce n’est pas eux, c’est leur conjoint (comme pour notre Ministre de la Santé). Le comité d’éthique ? « De la blague » selon Christian Eckert. Il vient de faire l’objet de vives critiques dans un rapport parlementaire de fin janvier. Totalement inefficace, jamais suivi d’effet dans ses rares positions, et pour cause les membres appartiennent à ces grands corps, juges et parties. Les quelques attaques parlementaires pour réguler ces pantouflages ont toutes été annulées, une dernière par le Conseil Constitutionnel (qui s’est autosaisi !), où on retrouve encore les mêmes (au prétexte d’inintelligibilité de la loi, pourtant faite par des énarques qui savent lire l’énarque !). Dernier parallèle : la Carmf avait saisi ce Conseil Constitutionnel contre la Compensation Nationale au motif de cette inintelligibilité de la loi (personne n’est capable de comprendre ou de contrôler les modes de calcul, reconnu par de nombreux rapports), sans obtenir satisfaction.

 

Remerciements à Vincent Jauvert, journaliste d’investigation à l’Obs, pour son livre sur « les intouchables d’Etat », qui a fourni une bonne part des exemples argumentant ce billet.

Gérard Maudrux

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18 commentaires

  1. Parallèle avec ce qui se passe aux USA: voir la carrière d’Hillary Clinton devenue multi-millionnaire (et peut-être plus) alors quelle n’a jamais effectué d’autre travail que fonctionnaire durant toute sa carrière. Etant secrétaire d’état aux affaires étrangères elle va en Arabie saoudite signer des contrats militaires et à son retour aux USA: miracle! La fondation Clinton reçoit Minimu 4 miliards de Dollars de l’Arabie Saoudite…Malheureusement, en France, nous n’auront jamais la chance d’avoir un Reagan ou un Trump pour équilibrer cette situation.

  2. Les énarques sont instruits mais pas intelligents depuis 1974 on voit la dérive de notre pays qui est dirigé par des énarques.

  3. Les énarques sont instruits mais pas intelligents depuis 1974 on voit la dérive de notre pays qui est dirigé par des énarques.

  4. Les hebdomadaires ont tous les ans une ou plusieurs couvertures et dossiers sur ces faits, ça ne change strictement rien. Les français ralent mais ne feront plus la révolution, ils sont trop divisés et chacun essaie de trouver son petit intérêt

  5. Un grand merci à Gérard Maudrux de nous révéler , une fois de plus, toutes ces incroyables injustices pires que celles de l’ancien régime car moins identifiables et moins évidentes à comprendre et de plus protégées par les lois de la démocratie; mais à part en vomir d’écoeurement que faire pour sortir de ce m…..?

  6. On dirait vraiment que toutes ces “élites” se croient absolument indispensables et pensent que ce sont eux qui font tourner le pays. A leurs yeux il est donc normal de toucher de telles sommes. Le moindre aide soignant du plus petit de nos hôpitaux est manifestement bien plus utile aux autres, et donc au pays, que tous ces technocrates et assimilés beaucoup trop bien payés (par nous) sans compter leur irresponsabilité dans la mesure où ils ne prennent aucun risque, ou très rarement. Aucun pays ne peut avancer avec à sa tête des dirigeants qui refusent mordicus de se mettre en danger. N’est pas De Gaulle qui veut. Je ne sais plus quel sociologue américain a démontré que plus on était utile aux autres et plus la rémunération était basse. A contrario la pantoufle semble bien plus rentable. Cela crève les yeux et il y aura une révolte tôt ou tard.

    • je crois que ces gens de la “haute” n’ont même pas eu besoin d’envisager de se croire utile pour se servir dans la caisse commune de leurs concitoyens réellement productifs que nous sommes;
      c’est simplement un grand banditisme organisé;
      en Italie, on a appelé ça une Mafia;
      si personne chez nous ne parle de Mafia, c’est parce que c’est celle-là qui tient les commandes à tous les niveaux: politique, “justice”, médias, syndicalisme, “hautes-institutions” .
      “Si quelqu’un n’aime pas cette sous-France, qu’il la quitte” nous rappelait ce petit avocat bombardé 1er magistrat de la nation en 2005 . . .
      et c’est ce que font et feront de plus en plus de vrais Français vraiment actifs et responsables qui sont désormais électoralement minoritaires et n’auront plus jamais le “poids” représentatif suffisant pour inverser la courbe du déclin de cette res-poubellique bananière dont la majorité silencieuse a été achetée par nos grands commis/compromis de l’Etat en 40 années de redistribution et d’assistanat;
      Révolte? révolution? . . . non ! guerre civile entre cette “masse populaire” de mercenaires “socialisés” et le dernier quart de citoyens responsables qui n’auront pas choisi l’exil à temps .

  7. Que peut on faire.? C’est le secret de polichinelle. Tout le monde le sait. C’est la nouvelle noblesse. Mais y a t il un moyen d’arrêter cela? Légalement, bien sûr, sans leur mettre la tête sur des piques.

    • Seule la presse a le pouvoir d’arrêter cela, car pour le moment, les français s’en foutent car ignorent à quel point ils abusent. Quelques élus se rebiffent, mais ils modifieront à la marge.

      • La presse, répondre à cet état de méfaits ?
        mais c’est qu’à part quelques investigateurs lanceurs d’alerte,
        la majorité de nos médiateux sont payés par les grands corrompus ci-devant cités pour noyer le poisson et lancer des fake-cabales sur leurs confrères trop courageux !
        il n’y a jamais eu de révolution purificatrice ni en 1789, ni en 1917, la preuve:
        nous en sommes au même point insupportable d’accumulation de privilèges, d’inéquités et d’iniquités 200 et 100 ans après !
        après la royauté aristo-crasseuse honnie, la revoici en-pire, démo-crasseuse !
        Une véritable république n’aura aucun dirigeant; seulement un corpus simple de règles pour vivre ensemble, sans exceptions ni dérogations ni “corporations”;
        Egalité, Responsabilité, donc Liberté !
        Chacun devra y être infiniment responsable de soi-même et pour chacun des autres membres de la communauté;
        nous autres médecins en avons déjà une solide expérience dans l’infinie responsabilité bilatérale que suppose l’exigence éthique du colloque singulier;
        vivement la souveraineté personnelle, individuelle, responsable par définition;
        tout autre dispositif d’organisation politique n’aura été et ne restera (peut-être encore pour quelques temps) que simagrée, illusionnisme populiste de la part des ci-devant “dirigeants” et surtout prétexte grégaire pour les cons-citoyens préférant esquiver quelques temps encore leur responsabilité individuelle en la cachant derrière un paravent “collectif” dont la légitimité ne repose que sur une supériorité numérique indépendante de toute pertinence politique ou citoyenne .
        Patience ! tout se transforme; et les descendants pourront de moins en moins facilement répéter les hypocrisies de leurs prédécesseurs;
        Tous finit par se périmer, même la connerie ou la saloperie dont l’espèce humaine aura gardé le monopole aux yeux des historiens des temps futurs .

  8. La plus grande diffusion de ces exemples est fondamentale,même si peu efficace La comparaison avec le revenu moyen du géneraliste < à 100.000€ est instructive.
    On se demande pourquoi autant d' étudiants s'inscrivent en PACES