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CSG (2)

Dans la série pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, pratique très française et très développée chez nos dirigeants, nos professions de santé conventionnées viennent de voir leur énième réunion sur la compensation de la hausse de CSG se solder par un nouvel échec, tant les solutions proposées sont complexes et engendrent plus de problèmes qu’elles n’en résolvent.

Il y a pourtant quelque chose de (trop ?) simple, déjà appliquée à des millions d’actifs de la fonction publique : une prime équivalente à la hausse de CSG (ou crédit d’impôt ?). Je leur propose cette solution qui par ailleurs évite toute manipulation à la baisse de la compensation.

Toujours dans la même série pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué, et évoqué dans le précédent billet, pourquoi n’a-t-on pas modifié les seuls taux des catégories visées par le texte : les revenus financiers et les retraités ? Cela aurait été plus simple et surtout plus honnête, au lieu de cacher cette mesure par d’autres entraînant nombre de complications (engendrant des coûts).

Enfin et toujours dans la même catégorie, quelqu’un se souvient-il de la justification de cette petite part non déductible de la CSG ? Quand je tape sur internet « Qu’est-ce que la CSG non déductible ? », j’ai de suite la réponse : « La CSG est une taxe sociale obligatoire prélevée sur certains revenus perçus par le contribuable. Sur le montant de la CSG payée, le contribuable peut en déduire une partie sur ses revenus imposables. L’autre partie constitue la CSG non déductible ». Bien avancé !

En cherchant plus loin, j’ai (peut-être) la réponse : lors de l’instauration de la CSG au 1er février 1991 par le gouvernement de Michel Rocard, la CSG était non-déductible. La déductibilité a été instaurée en 1997 (article 94 de la loi de finances du 30 décembre 1996), sous le gouvernement d’Alain Juppé, à l’occasion du relèvement de 1 point de la CSG (passage de 2,4 à 3,4%). Par la suite les augmentations de CSG ont aussi été rendues déductibles, seuls les 2,4% d’avant 1997 ont été »oubliés ». De temps en temps il y a même quelques velléités pour revenir à une CSG en totalité non déductible (dernier en date, Christian Eckert en 2014).

Ces explications pour donner une piste aux associations sensées défendre les retraités (ainsi qu’aux actifs motivés et courageux) pour résister : déduire la CSG non déductible. Je l’ai personnellement fait sur ma 2035, de 2000 jusqu’à ma cessation d’activité, et ce en toute transparence, en signant une décharge au comptable et à l’AGA, donc à la connaissance du fisc qui ne m’a jamais inquiété. Pourquoi 2000 ? Parce qu’à cette date la France a été condamnée par la Cour Européenne pour avoir prélevé la CSG aux frontaliers travaillant en Suisse. La défense de la France était que la CSG était un impôt et pas une cotisation sociale, la Cour a dit le contraire : c’est une cotisation sociale. J’ai donc appliqué le jugement en déduisant la totalité de mes cotisations sociales, tout comme la France a accepté et appliqué immédiatement le jugement en remboursant et sans faire appel. Pourquoi n’ai-je pas été inquiété ? Rappelez-vous l’ISF au début, sans abattement pour la résidence principale : un particulier est allé en justice, a gagné, et cela s’applique depuis à tous, ce qui aurait été le cas si j’avais gagné après un combat juridique que j’étais prêt à faire.

La France fait toutefois de la résistance face à ce jugement, mais perd chaque fois en dernier ressort. En mai 2012, la Cour de cassation confirme la « double nature » de la CSG, impôt en France et contribution sociale en droit européen. La CSG est bien un impôt ! Les frontaliers échappent donc aux prélèvements sociaux s’il s’agit de cotisations de Sécurité sociale mais pas si ce sont des « impositions de toutes natures ». Le Conseil constitutionnel tranche en faveur de cette seconde qualification, permettant à l’administration fiscale française de faire payer des prélèvements sociaux à des Français domiciliés dans un autre Etat membre et tirant des revenus de biens immobiliers situés en France (loyers et plus-values immobilières). En février 2015 La Cour Européenne juge que la France ne peut faire payer aux frontaliers des prélèvements sociaux sur leurs revenus du patrimoine de source étrangère.  Ce n’est sans doute pas fini.

Désolé, la CSG est une cotisation sociale, elle en a le nom, et sa collecte est reversée aux organismes sociaux. Je suggère donc aux retraités de la considérer comme telle. Le problème est qu’ils ne peuvent la déduire, car prélevée par les caisses de retraite. Juridiquement je ne vois qu’une solution : réclamer aux caisses que la CSG soit déduite en totalité dans leur déclaration fiscale. Les caisses devant appliquer la Loi ne peuvent que refuser, et c’est ce refus qu’il faut attaquer devant le Tribunal Administratif, puis Cour d’Appel, puis Cassation. Peu de chances d’obtenir gain de cause sauf si des juges décident d’appliquer le droit Européen et sa jurisprudence en premier lieu, mais c’est surtout la porte d’accès à la Cour Européenne, qui devrait alors confirmer sa position tenue de puis 17 ans : la CSG est une cotisation sociale, pas un impôt.

Ce combat, long, n’est pas à porter par un ou des individus, mais par les organismes qui ont pour objectif de défendre les citoyens. Ce qui vient d’être fait aux retraités rend encore plus légitime cette revendication. Ils pourraient faire un recours gracieux auprès du Ministre des Affaires Sociales demandant que conformément à la législation Européenne et qu’au titre de l’égalité des citoyens devant l’augmentation de la CSG, la totalité de cette cotisation soit déduite. C’est la non réponse ou le refus qui seraient attaqués devant le Tribunal Administratif.

A moins que notre Président, soucieux de tout mettre à plat, mette enfin fin à cet anachronisme ?

Gérard Maudrux

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12 commentaires

  1. On résume, comme disent beaucoup : Pour la France d’en haut des couilles en or, pour la France d’en bas des nouilles encore. Ne soyons pas naïfs, avec Macron cela continuera, comme d’habitude.

  2. Bonjour Gérard , je te félicite pour ton travail de recherche et de réflexion économique et sociale et fiscale sur la CSG, qui en même temps une critique de la CSG à partir de l’historique de sa création .

    Connais tu Vincent Jauvert ? qui publie une enquête sur les privilèges accordés aux hauts fonctionnaires, y compris à l’ère du « nouveau monde » d’Emmanuel Macron.
    il serait intéressant de mettre en commun votre talent de réflexion sur les anomalies , les privilèges auto octroyés de la caste enarchique .
    Alors que les petits fonctionnaires présentent une note de frais très détaillée pour leur remboursement de déplacement.,Les hauts fonctionnaires et ministres n’ont aucun compte à rendre ( Ed.Philippe et son retour de calédonie , Villepin et sa présence d’une matinée pour récupérer sa stock option de retraite de l’inspection des finances .
    Quand et qui va arrêter ces excès de plus en plus fréquents qui paraissent normaux pour ceux qui en bénéficient .
    Nos élus et gouvernants n’ont pas encore compris et réalisé que le PénélopeGate pourrait un jour leur retomber dessus sous forme d’un ENA Gate..
    A suivre..

  3. Merci pour tous vos billets. Pour aider les collègues à étendre cette déduction de la CSG non déductible sur la 2035, pourriez-vous communiquer le modèle de décharge que vous avez faite pour votre comptable/AGA. Merci d’avance

  4. Pourquoi ne pas faire une pétition en ligne en faveur de la déductibilité totale de la CSG, voir combien de personnes suivent et proposer une action commune. Ce sera long pour des retraités fatigués de se battre mais intéressant de montrer qu’aucune couche de la société ne se laisse plus faire, même si je suis d’accord avec le gouvernement Macron dans les grandes lignes, nous devons alerter sur les détails de mise en œuvre des réformes. C’est un devoir citoyen.

    • Comme vous je pense qu’il y a et qu’il y aura du bon chez Macron, même s’il y a aussi beaucoup de défauts, et cela explique aussi ma dernière phrase. Les autres en avaient aussi, sans doute plus. Je fais encore crédit, mais l’énarque et son entourage m’inquiètent. Pour les pétitions, je n’y crois pas, sauf si dépassent des chiffres inatteignables, et vu la difficulté de mobiliser la majorité silencieuse…

      • Le plus efficace, à mon sens, serait une action de groupe (class action).
        Le petit riche, retraité, est une vache à lait idéale: ronchon mais ventru, isolé des autres, inorganisé, individualiste, malade souvent, il ne bougera pas. Et paiera.
        Personnellement, l’an dernier 4400 € d’IRPP. Cette année, sur les retraites du couple, 2000 € supplémentaires de rabotés par CSG-CRDS.
        Formidable invention rocardienne à l’origine: l’impôt qui paie de l’IRPP (partiellement sur la part “non déductible”) !

  5. Vous avez une solution , en cas de refus de déduction par le fisc :
    1) de première part , attaquer devant le tribunal administratif , en posant une question préjudicielle de conventionnalité , afin de saisir la CJUE ( à Luxembourg ) , au visa de la Charte du 7 décembre 2000 ;
    2) de deuxième part , saisir d’une plainte sur internet ( en 5 minutes ) la Commission européenne , puis par fax , avec copie du dossier ;
    3) de troisième part , préciser au tribunal qu’en cas de rejet par la Commission , il y a deux voies de recours , d’abord devant le TUE , enfin devant la CJUE ; en conséquence , tôt ou tard , la France devra s’expliquer à Luxembourg , et le tribunal se fera ” remonter les bretelles ” .

  6. Le choix de la déduction totale de la CSG est une piste interessante à tenter et à faire accepter par le comptable.On n’as pas beaucoup parlé dans les medias de la décision scandaleuse prise par nos “chers” elus.Le premier vote après le choix d’augmenter la CSG fut de ne pas l’appliquer aux élus. Les retraités qui viennent de constater la baisse du montant mensuel versé jugeront de l’honneteté des élus ! Au vulgum pecus la baisse des moyens, et aux élus les prebendes.Rien de nouveau sous le soleil!

    • J’ai effectivement eu un peu de mal à les convaincre de transmettre avec déduction, comptables et Agas veulent le moins de soucis possible avec le fisc. C’est passé par une décharge bien explicite, je prenais et assumais le risque de poursuites, bien informé. J’ai mis aussi les motifs dans ma décharge, si elle atterrissait entre les mains du fisc, qu’ils sachent quel était leur risque. J’ai eu une paix royale, et je ne peux malheureusement plus aujourd’hui, ne remplissant plus de 2035. J’ai donné ce conseil à nombre d’amis et dans les réunions avec confrères. Ceci dit, c’est à vos risques et péril, mais qui ne risque rien n’a rien.

  7. Nouvelle mise en évidence de la perversité gouvernementale et administrative au long cours , pour ne pas dire permanente …Merci .