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Pour un régime de base unique

Les ordonnances de 1945 en posaient le principe, nous en sommes aujourd’hui à 35 régimes différents. Pourquoi ceux qui prônent l’égalité et la solidarité entre citoyens n’ont pas, pour respecter les valeurs de la France et leurs propos, fait en sorte qu’à revenu égal, cotisation égale, et qu’à cotisation égale, retraite égale ?

En 1946 ce sont d’abord les régimes préexistants qui ont mis la pagaille, de peur de voir leur régime perturbé, ne souhaitant pas participer à cette solidarité nationale. Aujourd’hui ce sont ceux qui coûtent le plus cher à cette solidarité qui ne fonctionne que dans un sens. Alors qu’ils en profitent, ils ne veulent pas que l’on y touche car elle finance des privilèges qu’ils ont baptisé droits acquis. Je ne m’étendrai pas sur la manière dont ils ont été acquis. Il serait temps de remettre les pendules à l’heure.

Ce régime de base unique, on en parle de plus en plus, surtout en période préélectorale, j’espère que l’on continuera après… Personnellement j’en parlais dans mon livre il y a bientôt 20 ans. En 2002 je demandais à rencontrer le responsable retraite du Ministre des Affaires Sociales (un dénommé François Fillon), ce qui fut fait autour d’une table avec le Président de la commission des Affaires Sociales de l’Assemblée (Jean Michel Dubernard, confrère urologue), le futur Président de l’Assemblée (Bernard Accoyer, ex collègue grenoblois), et Pierre Mayeur, conseiller retraite du Ministre, qui deviendra ensuite directeur de la CNAV, régime de base de 18 millions d’actifs et 14 millions de retraités du régime général. Rien dans la réforme retraite de 2003 du Ministre devenu Premier Ministre (réforme de 2010), rien ou si peu depuis de la part d’organismes comme la CNAV ou le COR. J’ai dû attendre 15 ans pour voir ces propositions sortir maintenant dans différents ouvrages d’économistes et surtout dans le programme Fillon qui reprend 90% de mes propositions de l’époque avec toutefois une grosse erreur : un référendum pour la suppression des régimes spéciaux, proposition démagogique, la grande majorité des électeurs n’étant pas dans ces régimes, et qui sera vécue comme une agression par ces régimes qui bloqueront la France, ce qui coûtera très cher.

J’avais expliqué que pour régler le problème des régimes spéciaux, il fallait passer d’abord par un régime de base unique pour tous les Français. J’avais expliqué aussi qu’aucun homme, aucun ministre, aucun Président, qu’il soit de gauche ou de droite n’y arrivera sans entrer en conflit avec les régimes spéciaux qui paralyseront la France. Seul les Français pouvaient le faire, et pour cela il fallait faire un référendum avec une question simple : « voulez vous un régime de base unique, à revenu égal cotisation égale, à cotisation égale retraite égale, que vous soyez fonctionnaire, salarié, indépendant, élu. » J’avais ajouté que certains syndicats peuvent bloquer la France contre un homme, un parti, des élus, mais pas contre les Français ! En cas de besoin, cela pouvait justifier l’intervention de l’armée. En démocratie le peuple est souverain, et l’armée est là pour le défendre.

Restent ensuite les problèmes techniques, qui font peur à tout le monde. Les élus ne savent pas, et les techniciens derrière, je les connais, je les ai pratiqué. Pour bloquer les bonnes idées, ils savent faire, par contre pour en émettre, le vide.

1)Un régime par points, c’est une évidence. Tout le monde en parle, mais personne n’ose et rien n’est fait. Je l’ai fait en 2003 pour le régime de base des professions libérales, j’en ai posé les principes, l’architecture, et mon directeur a fait les projections pour affiner les taux. Avant cela fonctionnait par trimestres, et pour la même prestation une caisse payait le double d’une autre. L’application en a été très simple, depuis tous le monde est au même régime. Certes la caisse qui payait le moins a un peu grincé, mais quand c’est pour une chose juste, cela passe beaucoup mieux. Le décompte des trimestres ne compte plus que pour la durée de cotisation afin de l’aligner avec les autres régimes.

Pour aligner tous les régimes et pour les anciens droits, il faut fixer une valeur de point arbitraire, calculer la retraite due à la date de la réforme et la règle de trois fixe le nombre de points à attribuer à chacun. Les nouveaux points eux sont ensuite les mêmes pour tous, dépendant du montant cotisé.

2)Le taux de cotisation : comment avoir la même cotisation pour tous, alors qu’aujourd’hui cela va de moins de 10% à 26,5% pour le seul régime de base, qui peut fournir chez certains 15% de la retraite globale pour 100% chez d’autres ? C’est là que s’arrêtent tous ceux qui proposent un régime unique, sans idées ou sans compétences. Je n’ai vu aucune proposition.

De solution il n’y en a qu’une, relativement simple. Les plus nombreux, de très loin, sont les salariés, 17,75% répartis en 2 tranches et part salariale et patronat. Changeons la répartition pour mettre la part salariale à 10,3%, c’est totalement neutre et ne change rien au total (la part patronale devenant 7,45%). 10,3%, c’est ce que payent les fonctionnaires et les libéraux. Ensuite on reprend ces chiffres pour intégrer les deux tranches, jusqu’à 1 PSS et au delà, 5, 6, 8 PSS à harmoniser, le tout pour rester à enveloppe globale constante. Des rendements différents pour chaque tranche pour relever les plus basses retraites, comme je l’ai fait pour les libéraux, peuvent être introduits ici, c’est un choix à faire à ce stade.

Restent des caisses comme le RSI qui passeraient de 17,75 à 10,3%. Une option : mettre ou non la part patronale au choix pour tous les indépendants. Si ce n’est pas le choix qui est retenu, ils reportent la différence sur leur régime complémentaire pour garder la même retraite. S’ils ont mis la barre à 17,75 pour obtenir plus de compensation (je ne sais), pas d’option, même régime pour tous. A ce stade plus de 90% de la population est intégrée dans ce régime unique. Pour les dernières caisses, la solution est cas par cas, soit baisse de cotisation et transfert sur le RC, soit convergence vers le taux commun à raison de 1% l’an. Personne n’est lésé, si certains doivent payer un peu plus, ils auront plus de droits, dans la même proportion. Si certaines baisses de cotisations déséquilibrent le tout, le taux final retenu augmentera de 0,1 ou 0,2 points.

Enfin dernier point, vous me direz que les fonctionnaires payent aujourd’hui 10,27% pour RB + RC et qu’en prestations ils n’auront que le RB pour la même cotisation. Il faut alors créer un RC, comme pour tous les Français, et géré par les affiliés eux-mêmes. Leur nouvelle cotisation compensera la différence de revenus avec les autres. Pourquoi tout le monde n’aurait pas les mêmes cotisations ? Comment payer la différence au départ ? Par un abondement de l’Etat à leur RC, qui diminuerait dans le temps avec la montée en charge des points achetés. Un coût pour l’Etat ? Absolument pas, c’est ce qu’il paye aujourd’hui. Enfin si aujourd’hui la retraite des fonctionnaires est de 15 ou 20% supérieure à celle des salariés à revenu égal (25 meilleures années, bien sûr), il faut un lissage de 1% l’an pendant 15 ou 20 ans, ce qui diminuera d’autant la charge de l’Etat (pardon des autres Français contribuables). Les besoins à 60 ans et à 80 ans ne sont pas les mêmes ce qui aura peu de conséquences, et si au départ ils ont 20% de plus, pour se retrouver à égalité en douceur et 20 ans après, où est le problème ? Ne pas le vouloir, c’est ne pas vouloir l’égalité entre citoyens.

3)Pour conclure : un régime universel, égal pour tous. Fin de la Compensation Nationale injuste, et surtout plus de notion de retraite à taux plein à 56 ans pour les uns, 67, 68 ou plus pour d’autre. Tout le monde peut partir entre 60 (retour aux 60 ans pour tous, sans coûts) et 70 ans, avec une retraite correspondante aux points acquis, fini les calculs de trimestres. A la carte, comme je l’ai fait chez les médecins, c’est sans coût. Je veux plus, je continue, j’ai assez, je m’arrête. Je suis libre.

 

Les solutions techniques ne relèvent pas de l’utopie, elles ne sont pas si compliquées que cela, reste maintenant la volonté politique : tous égaux ou maintien des privilèges ? That is the question.

Gérard Maudrux

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12 commentaires

  1. Beau raisonnement. Mais un beau raisonnement n’est jamais suffisant pour faire avancer un dossier.
    L’inertie de la haute administration est sans borne.
    Un exemple: pour le dépistage de la syphilis la nomenclature impose de toute éternité un test spécifique et un test non spécifique le VDRL (descendant du BW centenaire et basé sur le même principe).
    Tout le monde sait que ça ne sert à rien et ça coute un peu en réactif et beaucoup en temps personnel (pas automatisé). Ca va faire 2 ans que le rapport de l’HAS a entériné la recommandation de l’abandonner. Mais c’est beaucoup plus ancien: je me souvient du Pr Courcol président de la SFM arrivant en disant dans une réunion “Ca y est, la décision est prise de supprimer le VDRL!!”. C’était il y a au moins 5 ans.
    Il faut 10 minutes de travail pour pondre l’arrêté.
    Et bien ils sont incapables de le faire.
    J’ai envoyé un mél à la DGOS il y a 1 mois: bien entendu pas de réponse.

  2. Bravo, une fois de plus des propos frappés du coin du bon sens, cependant il faudra beaucoup de courage politique pour éviter une faillite annoncée si la France continue sur le modèle actuel. Sauf si bien sûr vous acceptiez des responsabilités politiques, je me ferai une joie de voter pour vous !!

  3. Cher Docteur Maudrux
    Quel bonheur de vous lire à chaque fois même si je ne comprends pas toujours la gymnastique des chiffres.
    Quel soulagement de savoir qu’il existe encore des gens intègres comme vous .
    Je caresse le rêve que vous puissiez devenir notre ministre de la santé( au moins!) pour nous sauver du gouffre ou on nous a mis
    Respectueusement.

    • Merci pour ces commentaires stimulants, mais franchement, me proposer le poste de ministre de la santé, ce n’est pas trop sympa mais vous êtes excusée car c’est plein de bonnes intentions. Notre prochain ministre s’il reste 3-4 ans aura à faire face à la pire des périodes qu’aura vécu notre système de soins, il faut être masochiste pour accepter ce poste, par contre j’y verrais bien une troïka des ministre qui depuis 25 ans n’ont rien fait pour le numérus clausus sachant très bien où cela menait, afin qu’ils assument la responsabilité de leurs actes. Par contre un poste de ministre délégué aux retraites avec pour mission de mettre en place un régime de base unique et juste, établir des règles pour une autonomie et une bonne marche des régimes complémentaires pour chaque profession, je ne dirais pas non.

  4. Cher dr maudrux quel bonheur de constater que vous continuez à vous battre
    Pourriez vous inonder le conseil de l ordre de votre bon sens?
    merci

  5. Je suis totalement d’accord avec vous.
    Mais pourquoi les moutons se font tondre par des tondeurs moins nombreux ??? Le jour où les moutons n’accepteront plus de se faire tondre cela changera. A la décharge des moutons la désinformation est la règle, surtout de la part des syndicats.
    Un jour mon ancien voisin salarié et syndicaliste de la SNCF m’a dit que leur régime de retraite finance le régime général. Or un équivalent retraité de droit direct SNCF reçoit presque 15000€/an de l’Etat, c’est à dire des autres retraités qui doivent financer leur propre régime.
    Pour le référendum, évidemment il faut choisir la bonne formulation de la question. Mais c’est la seule solution car la voie parlementaire pour ces réformes fait descendre les privilégiés dans la rue et bloquer le pays.
    Je signale une pétition lancée sur change.org par quelqu’un qui m’est cher. Elle peine à décoller alors que plusieurs dizaines de millions de français sont concernés. Le lien est : https://www.change.org/p/mesdames-et-messieurs-les-candidats-à-la-présidence-de-la-république-référendum-pour-l-égalité-des-régimes-de-retraites-obligatoires
    Qui voudra la signer pour joindre les actes à la parole ?

  6. BEAUCOUP DE LOGIQUE DS CE RAISONNEMENT , MAIS CERTAINS VOUS DIRONT QUE , PAR ET GRACE A LA CONVENTION MEDICALE LES MEDCINS TROUVENT UN “RETOUR SUR INVESTISSEMENT “

  7. Je ne suis pas Marxiste mais tout de même on peut constater que ce sont les rapports de force, davantage que la rationalité ou la justice, qui déterminent les positionnements.

  8. La France, pays des petits privilèges, où tout le monde a quelque chose à perdre (des miettes en regard des vrais privilèges des hommes de l’état), où pour ne rien changer on vous agite cette perte potentielle, tout en vous faisant miroiter que ce que vous n’avez pas encore (ça c’est pas juste!!!), vous l’aurez bientôt si vous votez bien….Mon pauvre Gérard, je lis Sénèque pour ne plus me mettre en colère, et là je me rends compte que les problèmes étaient les mêmes il y a 2000 ans, le progrès aujourd’hui, c’est que c’est nous qui choisissons notre tyran. Il y a 25 ans que tu proposes des idées cohérentes, justes; on pourrait se dire que ça ne devrait pas poser de problèmes : alors? Ne pas croire au complot, ça demande trop de précision , de complicités organisées, il y aurait forcément des fuites( certains n’en peuvent mais…), on est plus banalement en face du chaos, de l’entropie générale de chaque système en fin de course. Il n’y a plus aucun projet global, rassembleur et donc à force de désunions, le système se désagrège comme un corps qui est mort. Qui, aujourd’hui croit encore à autre chose que son narcissisme entretenu par les médias: consommez, bougez votre corps mêêrveilleux qui ne vieillira jamais si vous suivez nos conseils avisés, dans un monde qui ne verra que le progrès, bientôt Mars, puis Proxima du Centaure….(contenu fréquemment entendu dans les journaux télé, avec bien entendu tout ce qui peut faire peur, pour que vous restiez bien tranquille chez vous en vous disant qu’ailleurs c’est tellement moins bien: surtout ne touchons à rien, on sait ce qu’on perd, pas ce qu’on va gagner): des droits, des droits, encore, et que des droits, mais, et c’est ça le progrès, plus jamais aucuns devoirs! Retour au départ: petits privilèges qui rendent égoïste, parce que lorsque quelqu’un a quelque chose à perdre, il se tient tranquille ( on comprend bien pourquoi Sarko voulait que chaque français soit propriétaire). Voilà Gérard, ma vue des choses: plutôt que de me lamenter, j’ai choisi de rester debout, puisque le bateau coule et que les capitaines se disputent la casquette, respirons et profitons de ces derniers instants (on ne sait pas combien de temps il nous reste!)…et chez nous en Savoie la vue est belle! (Tiens, finalement moi aussi je m’écrase, mais sans colère, maintenant je m’en fous, j’attends la mort inéluctable…)
    Merci quand même d’assurer la veille, je n’aurai pas eu la force de tenir, comme toi, face à la bêtise de ceux qui veulent le pouvoir pour s’en gargariser à des fins personnelles; en son temps j’avais fui l’hôpital pour ces mêmes raisons.