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Les contradictions du Covid-19 (suite)

Après les optimistes, les pessimistes, les incohérents et les ignorants, voici venir les incompétents. Ils continuent sur la même ligne : Français, ne craignez rien, dormez sur vos deux oreilles, l’Etat s’occupe de tout. Une fois de plus, quand l’Etat prend en charge un problème, ça craint grave. « Prévoir c’est guérir » n’est pas la devise de notre administration, ni enseigné dans leur grande école.

Le Béaba de la protection, c’est les masques. Il n’y en a pas. C’est l’Etat qui gère les stocks en prévision de crises. Mais où sont passé le milliard de masques achetés par l’Etat et dénombré par le Sénat cette semaine (https://www.senat.fr/rap/r08-388/r08-38826.html ) ? Un ami expert-comptable me dit qu’ils ont peut-être été donnés ou vendus, sans que l’on puisse le savoir car si on sait qu’ils ont été achetés, en matière de comptabilité publique il n’y a pas de comptabilisation des stocks, donc ils peuvent disparaître sans que la comptabilité l’indique. Le 19 février, la France envoyait en Chine 17 tonnes de matériel : masques, combinaisons protectrices, produits désinfectants. (https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/chine/evenements/article/envoi-de-fret-medical-en-solidarite-avec-la-chine-a-destination-des-structures-247426 ). Quelle prévoyance !

A la même date, il rédigeait une note, publiée le lendemain ( https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/guide_methodologique_covid-19-2.pdf ), où il écrit page 3 : « le risque de propagation du SARS-CoV-2 au sein du territoire français est actuellement considéré comme faible si les cas confirmés sont détectés précocement… «. Le mot faible est souligné dans le texte. Quelle imprévoyance.

Que fait-on ? Alors qu’en Chine on prend de suite des mesures avec 2 500 lits spécialisés en 8 jours (tous avec oxygène, climatisation, radiateurs désinfectants aux UV, chambres à pression négative, l’air étant traité, désinfecté en sortie, nous nous décrétons. Plus de gel ? On sort un décret (5 mars) pour plafonner le prix d’un produit introuvable et vital au lieu de développer en urgence des structures provisoires pour en produire à grande échelle. Au passage, on s’aperçoit que les textes interdisent aux pharmaciens d’en fabriquer, alors on sort un décret ( 7 mars) pour suspendre le décret précédent l’interdisant. Quelle efficacité !

Summum de l’imprévoyance : la phase 3. Pourquoi ne pas la déclencher plus tôt ? Il est plus efficace de stopper dans l’œuf avec 300 malades plutôt qu’avec 5 000. Tout simplement parce qu’on n’est pas prêt ! Aucun matériel pour mettre en oeuvre cette phase selon un ami médecin sollicité pour l’organisation ! Autre info d’un député : la phase 3 empêcherait les élections, plus importantes que notre santé. Ils ne tiendront pas jusque-là. 

En Chine on a vu les soignants, en première ligne et les plus exposés, harnachés dès le premier jour. Chez nous rien. Ailleurs on dépiste, les Samu n’ont pas de tests, alors on explique que c’est une autre tactique : on ne dépiste que les malades, pas ceux qui peuvent l’être pour les isoler plus tôt. La réalité, c’est le manque de tests. Par contre si on refuse de vous faire un test si vous rentrez d’Asie et toussez un peu (le cas d’un ami) en vous disant de rentrer chez vous et surveiller votre température, hier il y avait la queue à l’infirmerie de l’Assemblée, qui teste tous les députés et personnel sans symptômes. Ils ont tout ce qu’il faut. Pour les lits de réanimation (nécessaire pour 12% des patients), au lieu d’isoler et de d’équiper des services en prévision, on attend de voir. A Nancy, il y a 4 lits P3, 3 sont déjà occupés, il reste donc 1 place. Peut-être faudra-t-il envoyer nos patients dans les hôpitaux de Wuhan, faute de s’être préparés.

Dans la note du 20 février, on découvre les objectifs de chaque phase (page 5). Stade 1 : « Freiner l’introduction du virus sur le territoire ». Résultat : échec, on est même allé chercher des contaminés, à l’origine de 2 des premiers clusters. Stade 2 : « Freiner la propagation du virus sur le territoire ». Echec, on est passé de 100 à 1000 en 8 jours, ce n’est qu’un début. Stade 3 : « atténuer les effets de la vague épidémique » : échec prévisible vu qu’on n’a pas prévu avec quoi.

Et puis il y a les cyniques

L’organisation du plan ORSAN REB et la Réserve Sanitaire ( ex Eprus), ne sont pas très sympathiques à l’égard des soignants libéraux, qui sont ceux qui voient en premier les cas supposés ou avérés, et qui sont donc les plus exposés. Pas de masques, pas de combinaisons, pas de consignes, de protocole à ce jour. La première étape d’une bonne organisation, c’est la protection immédiate de la première ligne, sinon il n’y a vite plus de première ligne (ni de seconde non plus), et la guerre est perdue dès le départ.

 Toute la presse médicale en a parlé, le Président de l’Ordre des Médecins a demandé au Ministre que l’on écrive aux retraités pour les mobiliser. Cela a sans doute déjà été fait car j’avais reçu une démarche identique lors de l’épisode du H1N1 en 2009 (la caisse de retraite est la seule à détenir le fichier des retraités). Je n’avais accepté qu’à une condition, que l’on retire une disposition choquante des statuts de l’Eprus : les professionnels retraités ne sont rémunérés qu’à hauteur de 20% de la rémunération prévue. Pour moi, à travail égal, salaire égal. 2 mois plus tard, j’ai refusé une relance, ma demande ayant été ignorée. Résultat, aujourd’hui non seulement on se propose d’envoyer au casse-pipe une population que l’on va à tous les coups contaminer (et sans protection, en 2009 au moins on les vaccinait), dont la tranche d’âge a une mortalité de 8 % ! 10 fois supérieure à celle de l’âge moyen des actifs. De plus on ne va pas les payer ! Bon pour les finances des futures retraites ! Ne faudrait-il pas avant mobiliser au-delà de 35 heures ceux dont le risque est 10 fois moindre ?

Tous ces gens-là savent-ils que chez les libéraux, il y a plus de 20 000 médecins en âge de prendre leur retraite qui sont déjà sur le terrain ? Plus de 35 000 si on compte les plus de 62 ans ! Un tiers de l’effectif.

Pour les autres on annonce que l’on va indemniser ceux qui seraient mis en quarantaine à hauteur de 112 euros par jour. Renseignement pris auprès des caisses, ce qui est prévu pour les libéraux, c’est 55 euros par jour ! Généreuse mesure qui ne va pas coûter grand-chose, car pour le premier médecin mis en quarantaine, l’ARS a levé sa quarantaine au 10 è jour, « inutile de faire plus, et on aura besoin de vous ». Tout monde n’a pas les mêmes droits.

Enfin ne vous en faites pas, le gouvernement prend les mesures qui s’imposent : on ferme les écoles. Pourquoi ? Parce que cela se voit et donne l’impression que l’on fait quelque chose. Et Pourtant, c’est inutile. A ce jour 0 décès chez les enfants avec le Covid-19 (1% des contaminés). Mesure spectaculaire pour faire croire, mais sans effet. Au 7 mars, la banale grippe saisonnière a fait 72 morts, dont 10 enfants (de moins de 15 ans). Pourquoi ne ferme-t-on pas les écoles tous les hivers ? On fait semblant de protéger ceux qui ne craignent rien, mais on ne protège pas ceux qui craignent le plus, les anciens et les soignants. Ce sont les maisons de retraite et Ehpad dont il faut fermer les accès. Aujourd’hui, les médecins font toujours leurs visites dans ces établissements sans masques, après avoir vu d’autres patients, peut-être contaminés, sans protection. 

Gérard Maudrux

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12 commentaires

  1. Le Service de santé des armées n’a été mobilisé qu’en phase 3 alors qu’il aurait pu être utile dans les clusters les plus touchés dès la phase 2.

    • Absolument, de plus entre la décision et l’utilisation, il faut 15j. Cerise sur le gâteau, on apprend que c’est le seul. 30 lits pour l’armée française et toute la France, pas un de plus ! Même rationnement que pour les masques, mêmes économies sur le dos des utilisateurs potentiels et des besoins. Pauvre France !

  2. Pour pouvoir faire un dépistage test il faudrait avoir des tests ce qui ne semblait pas le cas hier dans un hôpital de sous préfecture( 500 lits) ayant un infectiologue il faut adresser ces examens à l’hôpital de la préfecture mais avec parcimonie selon un confrère en activité. Bon vous voyez ce que je veux dire vive l’Eprus

  3. On nous dit que les enfants seraient des vecteurs de la contamination d’autant plus dangereux qu’ils sont sans symptômes donc indétectables sans test. Vrai ou faux
    Etant grands parents, il arrive souvent qu’ils nous refilent leurs microbes ou virus.

    • Personne ne sait s’ils sont plus contaminants ou pas. Logiquement, cela devrait être comme tout le monde. Par contre ils semblent moins porteurs que les adultes. Les pays qui dépistent beaucoup (nous nous ne dépistons pas, donc aucune stat possible, et nos chiffres journaliers de nouveaux cas ne veulent rien dire) semblent avoir très peu d’enfants positifs. Maintenant : porteurs, pas malades, négatifs au test, et malgré tout contaminants ? Tout est possible et rien n’est moins sûr. Une seule certitude : peu sont touchés, pas de morts, mais dire qu’ils contaminent plus ne repose sur rien, bien qu’on ne puisse pas non plus affirmer le contraire. Nous sommes malheureusement dans le pilotage sans visibilité.
      Pour avoir un peu de visibilité, pourquoi ne fait-on pas comme les sondages : on prend un panel de 1000, 2000, 5000 personnes représentatives de la population, on les teste tous, et on aura une idée du % de porteurs sains ou guéris qui s’ignorent (on risque d’avoir une surprise), et les âges et sexes plus touchés.

  4. “Protéger les anciens ” en fermant les maisons de retraites ??? Croyez-vous que le personnel y est suffisant et bien formé ? Juste en rendant visite les week-ends , on y voit tant de solitude et de mise en danger ! Savez-vous qu’on peut être déshydraté juste en un week-end et que pour recevoir une perfusion , on peut devoir se battre pendant 2 semaines ? Il y a tellement à dire sur les hômes que je conseille plutôt de rendre visite aux aînés qui y sont le + souvent possible, coronavirus ou pas !

    • Vous n’avez pas le droit de rentrer dans un établissement de seniors avec une mortalité de 14,5% du virus, en étant porteur sans le savoir, après avoir croisé il y a 2 jours une personne contaminée qui ne se sait pas encore malade. Vous pouvez compter aussi sur le personnel des établissements pour ne pas les laisser mourrir de soif.

  5. Bravo et merci Gérard pour tes explications, si pertinentes et lucides, et ton rôle de lanceur d’alerte…Continue le combat!

    • Félicitations pour ce décryptage logistique Je craignais que mon analyse et mon interprétation de ce nous observons ne soit le fruit d’une pensée négative de ma part !! Cela confirme la nécessité absolue de solidarité entre Tous les professionnels de santé quel que soit leur mode d’exercice :Hopital, Établissement médico social, libéraux ..Une consœur de 58 ans qui n’aura sa retraite à pension optimale qu’à 72 ans