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Inefficience de la DSS

Après l’inefficience de notre système de soins par la Cour des comptes, voyons celle d’un organisme justement chargé de faire en sorte que notre système social et santé fonctionne mieux.

La DSS (Direction de la Sécurité Sociale) dépend du ministère de la Sécurité Sociale. C’est le bureau 3C qui s’occupe de nos régimes de retraite complémentaire. Il vérifie la pertinence et la légalité de nos décisions de Conseil d’Administration puis rédige et publie les textes (arrêtés, décrets, lois) permettant de les appliquer, sans quoi nos décisions ne peuvent l ‘être. Le code de la SS ne leur donne pas de pouvoir de décision qui relève des Conseils élus, mais tout cela est de la théorie, la pratique étant bien loin de l’esprit du code de la SS depuis que certains ont pris le pouvoir dans l’administration française en dépossédant les élus.

Avant de parler de 2 exemples récents et peu connus de leur action, je rappellerai le blocage de la retraite à la carte avec les syndicats pendant 3 ans, pour la passer après mon départ car excellente, montrant bien que pour ces gens là, les problèmes politiques et de personnes passent avant l’intérêt général et des affiliés. Les propositions d’abattement pour les bas revenus, demandées depuis des années, eux attendent toujours, montrant le mépris pour ces catégories, et plus largement de l’activité à temps partiel, de la féminisation et de la démographie souffrante. Après 15 ans on vient d’appliquer à la lettre mes propositions, mais en les limitant aux seuls cumuls et en zone défavorisée, ignorant qu’en améliorant la démographie globale, on arrange aussi la démographie locale.

Premier exemple peu connu : un amendement (N° 1202) a été déposé le 20 octobre dans le cadre du PLFSS, demandant à ce que les étudiants non thésés effectuant des remplacements puissent être couverts et affiliés à la Carmf. De suite la DSS prend contact avec la Carmf pour savoir comment on pourrait faire. La Carmf s’est alors fait plaisir en ressortant des modifications statutaires votées par le CA, et en attente de validation par… la DSS. En effet, il y a plus de 5 ans j’avais reçus les syndicats de jeunes médecins pour voir le problème, nous l’avions étudié et j’avais fait voter des modifications statutaires à la quasi unanimité. La DSS les avait superbement et comme toujours ignorées. Quel mépris pour le travail des élus qui essayent d’adapter leur caisse à l’évolution de notre société ! Ils n’ont pas fait le travail pour lequel ils sont nommés et rémunérés, nous avions fait le nôtre pour lequel nous sommes élus et non rémunérés. A quand un contrôle de l’efficience de la DSS par la Cour des Comptes ? Je ne me suis pas gêné pour leur dire tout le bien que j’en pensais lors du dernier contrôle de la Carmf par la Cour (2015), qui l’a évoqué en quelques lignes : « Il apparaît que les relations entre la tutelle et la CARMF sont empreintes de défiance et d’incompréhension…. La DSS n’a toujours pas approuvé la réforme des paramètres du régime de retraite complémentaire proposée par le CA de la CARMF en juin 2013, réforme à laquelle la CNAVPL a donné un avis favorable….   Par ailleurs, la CARMF plaide depuis plusieurs années  pour une révision du mode de calcul des cotisations pour les bas revenus (cf. encadré)… La  tutelle  peut  jouer  alternativement un  rôle  de  frein  ou  d’impulsion, sans  que  le conseil  d’administration de la CARMF paraisse  capable,  en  amont,  d’identifier l’attitude de celle-ci  ou  une  doctrine  claire. De  ce  fait  l’intervention ou    l’absence d’intervention de  la tutelle  est  souvent  critiquée  par  la  CARMF dans  ses  rapports  de gestion  annuels  ainsi  que dans les lettres  adressées aux affiliés. » Les affiliés du RSI, de la Cipav savent aussi où mène l’inertie de l’autorité de tutelle.

Second exemple : près de 500 presque médecins, dont beaucoup ont déjà exercé comme remplaçants sont empêchés de passer leur thèse pour s’installer, malgré des études théoriques et pratiques complètes, pour des raisons purement administratives. Certains sont au RSA (Le Nouvel Obs et plus récemment le Canard du 6 septembre ). Personne ne fait rien, tout le monde s’en fout, au mépris de la pénurie et de la santé publique, tant pis pour les patients en manque de médecins.

Concrètement, les étudiants en médecine ayant commencé leur cursus avant 2004, devaient réglementairement soutenir leur thèse avant la fin de l’année universitaire 2012.  Sur des milliers, certains avaient bouclé la totalité de leur cursus universitaire, remplaçaient même, mais n’avaient pas finalisé pour raisons personnelles et diverses (décès et charge de famille, mariage, accident, …) pensant pouvoir reprendre plus tard une fois les problèmes réglés. Le décret du 16 janvier 2004 prévoyait dans son article 57 des mesures transitoires, abrogées par décret du 31 août 2013 : au-delà du 31 décembre 2012, aucune université, aucune faculté de médecine ne peut inscrire un médecin relevant du régime du résidanat, et aucun résident ne peut bénéficier d’une dérogation pour s’inscrire.

Exemple pratique et vrai pour comprendre la situation : J B est bac +8 et a fait toutes ses études de médecine, il a validé tous ses stages d’interne, il a remplacé 3 ans en zone rurale, et participé à la campagne de vaccination en 2009.  En raison d’une succession d’accidents de la vie (accident de voiture, décès de sa sœur, maladie), il met entre parenthèses la fin de son 3e cycle. En septembre 2013, alors qu’il était régulièrement inscrit tous les ans et que son travail de thèse était en cours,  le bureau de la fac lui signifie l’impossibilité de reprendre une inscription en année de thèse. Dehors après 8 ans d’études, on n’a pas besoin de lui.

Grâce à l’action d’une sénatrice, la situation semblait débloquée par l’introduction d’un amendement dans un texte sur la « modernisation, développement et protection des territoires de montagne ». La Loi du 26 décembre 2016 modifie l’article L632-4 du code de la SS : « Un décret en Conseil d’Etat  détermine les conditions et les modalités selon lesquelles les personnes ayant validé la formation pratique et  théorique du résidanat de médecine mais n’ayant pas soutenu leur thèse dans les délais prévus par la réglementation,… peuvent être autorisés à prendre une inscription universitaire en vue de soutenir leur thèse… autorisation conditionnée à l’engagement d’exercer en zone sous-dotée (comme s’il y avait 2 types de diplômes de médecine en France, un pour ces zones et un autre !). »

La suite et la rédaction du décret incombent normalement à la DSS (au fait qui s’est à l’origine des premiers décrets incompréhensibles ?). A ce jour, toujours rien, l’inscription universitaire pour passer la thèse ne sera donc pas pour 2017-18, les futurs confrères continuent de vivre du RSA et de petits boulots (l’un en usine, l’autre en boucherie), il est de plus en plus difficile de trouver des remplaçants et les files d’attente s’allongent dans les cabinets. Quant à notre presque confrère cité plus haut, pour l’anecdote, il a été autorisé à exercer la médecine en Suisse en décembre 2014 compte tenu de son cursus universitaire en France !

Voilà comment fonctionne notre république, alors que la DSS devrait être un allié pour avancer dans les réformes nécessaires, c’est un vrai boulet. Espérons que cela changera avec le départ il y a quelques mois de son directeur, mon grand ami Thomas Fatome (qui « œuvre » maintenant chez le premier Ministre).

 

 

Gérard Maudrux

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9 commentaires

  1. Je reste hors sujet. Je suppose que notre confrère évoque seulement la réversion du régime de base de la CARMF, seule soumise à des conditions de revenus?

    • Absolument, mais je crois que l’on peut aussi remettre en question l’ensemble du système : pourquoi 50% ? Ou au minimum supprimer les inégalités et les privilèges. Ma belle-mère touche en réversion de son seul régime de base plus que la totalité de ma retraite 3 régimes, et ma femme ne touchera rien de la réversion du RB alors que j’ai cotisé comme tout le monde (et 3 fois plus que mon ex beau-père enseignant).

  2. Plus on érige haut une pyramide, plus elle écrasera de gens par son fatal effritement;
    des structures administratives à échelle humaine ne feraient jamais autant de dégâts ni aussi longtemps;
    Le gigantisme industriel organisationnel ne profitera qu’ à ses trafiquants exploiteurs aussi longtemps que les citoyens voudront s’en remettre à eux pour assurer leur dignité: servitude volontaire !
    à notre niveau réel individuel d’expérience, nous ferons bien mieux pour bien moins cher . . . patience . . .

  3. Bonjour, Gérard je ne commente pas ton texte mais je pose une question:
    La réversion au niveau de la Carmf n’est-elle pas un vrai scandale quand l’épouse ancienne prof touche sa retraite de 1800€ ne toucheras RIEN de la Carmf alors que son mari a travaillé jusqu’à 73 ans en cotisant plein pot sans bénéficier d’un point supplémentaire .Merci de ton avis. Cordialement.

    • Bonjour
      Ton voeu sera vite exhaussé dans le prochain billet. J’ai préparé plusieurs projets de réformes, notamment sur la réversion (prochain) puis la majoration familiale, je tordrais le cou aux deux. La réversion actuelle est une honte pour un système social digne de ce nom. La moitié des veuves ne touchent pas le minimum vital, et à l’autre moitié on retire celle du régime de base (sauf pour agents publics et les régimes spéciaux) avec les “conditions de ressource”. Dépassé, il faut autre chose.